Prioriser La Science Dans Nos Relations Internationales

Auteur:

Mona Némer

Conseillère scientifique en chef du Canada

La version française de ce texte a été approuvée par l'auteur.

Plus tôt cette année, j’ai eu l’honneur de représenter le Canada à la rencontre des ministres des Sciences et de la Technologie du G7, qui s’est tenue à Bologne, en Italie. Ce fut une rencontre productive et opportune, au cours de laquelle j’ai travaillé avec mes collègues occupant des postes de direction scientifique en France, en Allemagne, en Italie, au Japon, au Royaume-Uni et aux États-Unis, ainsi qu’avec des représentants de l’Union européenne, afin de trouver des moyens de renforcer la collaboration scientifique entre nos pays partenaires. Le point culminant de nos délibérations a été une déclaration (en anglais) sur notre engagement à promouvoir la recherche dans l’intérêt de tous, en reconnaissant que la liberté, l’ouverture, la sécurité et l’intégrité sont essentielles à une bonne conduite de la recherche. Nos sociétés sont confrontées à des enjeux de plus en plus complexes, et il est clair que les pays doivent collaborer pour relever les défis mondiaux, soutenir la répartition équitable des avantages qu’offre la science et veiller à ce que le développement technologique s’harmonise avec les valeurs communes mondiales et les droits de la personne.

Nos plus grands défis ne sont pas propres au Canada ou à tout autre pays. Les changements climatiques, la perte de biodiversité, les crises de santé publique, la sécurité alimentaire, les emplois de l’avenir, l’avancement des technologies de manière éthique sont autant de questions qui dépassent les frontières nationales. Pourtant, les décisions prises dans un pays peuvent influer sur les économies de la planète, la sécurité et les normes sociétales. Il est donc important que nous travaillions avec nos pairs pour créer des approches mutuellement avantageuses. L’élaboration de politiques nationales visant à appuyer nos aspirations internationales exige que nous dispositions d’un écosystème de conseils scientifiques bien organisé qui comprend des conseillers scientifiques nationaux et infranationaux, des académies des sciences et des associations scientifiques. Chacun joue un rôle distinct et complémentaire dans la collecte de données probantes, la capacité de regrouper des experts et la communication avec le public, les décideurs et les intervenants.

Au Canada, l’établissement d’un système consultatif scientifique efficace à l’échelle nationale nous a mis sur la bonne voie. Depuis la création du poste de conseiller scientifique en chef en 2017, mon bureau s’est efforcé de bâtir un écosystème scientifique solide, notamment par la croissance et la diversification du réseau consultatif scientifique du pays, l’élaboration d’une politique visant à régir l’intégrité scientifique, l’aide à la création du Groupe interministériel sur les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques autochtones (STIM-A), l’établissement d’un cadre pour orienter les efforts en matière de science ouverte et la mise au point de ressources pour fournir des avis scientifiques judicieux. De plus, nous avons travaillé à établir des liens importants avec le milieu scientifique partout au Canada. Il s’agit d’un élément essentiel pour fournir des conseils judicieux au gouvernement sur des questions très variées. Qu’il s’agisse de la préparation aux situations d’urgence, de la recherche dans l’Arctique, de la communauté scientifique fédérale ou des défis multiples et changeants associés à la pandémie de COVID-19, les contributions de nos scientifiques ont été inestimables pour l’élaboration de politiques.

Des réseaux scientifiques efficaces sont essentiels au progrès de la recherche et de l’innovation et, par conséquent, à l’avancement de notre société. Le Canada bénéficierait d’avoir des conseillers scientifiques au niveau provincial, comme c’est le cas au Québec, ainsi qu’au niveau municipal. Toutefois, la mise en place de ces mesures de soutien à l’échelle nationale ne constitue qu’une partie de l’équation. Si nous voulons exploiter pleinement les possibilités qui s’offrent à nous et maximiser notre rendement en matière de recherche et d’innovation, nous devons également renforcer notre engagement à l’égard des sciences sur le plan international. Une façon d’y parvenir consiste à renforcer les liens internationaux au moyen d’ententes de partenariat. Plus tôt cette année, le Canada a rejoint le plus important programme de financement de la recherche et de l’innovation au monde, Horizon Europe. L’an dernier, le Canada et la France ont créé un comité mixte sur la science, la technologie et la recherche pour renforcer notre partenariat de longue date. Ces accords et d’autres accords internationaux offrent à nos scientifiques davantage de possibilités d’améliorer leurs recherches et leurs innovations sur la scène mondiale.

Cette situation profite à notre société et à notre économie. Les scientifiques peuvent jouer un rôle essentiel dans la promotion de la science et de l’innovation canadiennes à l’étranger. La mise en place de programmes visant à mettre à contribution davantage de professionnels ayant une formation scientifique dans nos missions diplomatiques, comme l’ont fait nos pairs aux États-Unis et en France, nous permettrait de faire progresser nos intérêts nationaux par la diplomatie scientifique et la coopération internationale. Les scientifiques peuvent contribuer à orienter l’élaboration des politiques, à établir des réseaux et à élaborer des stratégies d’intervention en temps de crise.

De plus, des mécanismes formels de participation scientifique aux rassemblements internationaux, comme ceux du G20, des Nations Unies, de l’Organisation internationale de la Francophonie et des chefs de gouvernement des pays du Commonwealth, devraient être mis en place. À l’heure actuelle, les académies nationales des sciences des pays du G7, y compris la Société royale du Canada, fournissent des conseils et font des déclarations scientifiques avant les réunions du G7. Ce genre d’initiative a été extrêmement utile pour aider à définir les enjeux à l’ordre du jour du sommet. Toutes ces réunions internationales pourraient bénéficier davantage de l’établissement de plateformes permanentes de dialogue et de conseils scientifiques, à la fois pour fournir des éléments de preuve aux fins de décisions et pour aider à cerner les tendances et les défis futurs.

Le Canada a une bonne occasion de faire progresser ces idées l’an prochain, lorsque nous assumerons la présidence du G7. Depuis que le Canada a accueilli pour la dernière fois le Sommet du G7 en 2018, le monde a été témoin de nombreux changements qui ont eu de profondes répercussions sur la vie de nos citoyens, sur nos économies et sur l’ordre mondial. Nous avons traversé une pandémie mondiale ravageuse. Le monde a connu l’année la plus chaude jamais enregistrée. Nous avons été témoins d’événements météorologiques de plus en plus extrêmes à l’échelle mondiale. Nous avons ressenti les répercussions géopolitiques et économiques de la guerre. Sur une note plus positive, des progrès ont été rapidement réalisés concernant des technologies comme l’intelligence artificielle (IA), les applications de la physique quantique et l’énergie renouvelable. Le Canada est bien placé pour promouvoir les efforts internationaux visant à répondre à bon nombre de ces préoccupations mondiales. Nous possédons entre autres une expertise de pointe dans les domaines de la biodiversité, de l’IA, de la recherche quantique, de la durabilité des océans, des technologies vertes et de la recherche polaire. La communauté internationale l’a reconnu, et nous constatons que de plus en plus de pays tendent la main pour collaborer officiellement avec nous dans ces domaines.

Au cours des prochains mois, les décideurs et les planificateurs de l’ensemble du gouvernement se pencheront sur les thèmes, les activités et les initiatives entourant le Sommet du G7 de 2025. Quels que soient les thèmes prioritaires, les scientifiques du Canada seraient heureux d’avoir l’occasion de participer et d’aider à éclairer les délibérations des dirigeants. Notre milieu scientifique a un bon sens de l’anticipation et possède les connaissances et le talent nécessaires pour aider le Canada à s’affirmer comme chef de file. Le moment est venu pour les décideurs et les chercheurs de tisser des liens les uns avec les autres afin d’établir un programme progressiste qui renforce nos relations internationales et souligne le leadership du Canada dans l’effort pour relever les défis mondiaux. J’ai hâte de travailler avec mes collègues du gouvernement canadien et du milieu scientifique pour poursuivre sur la lancée du sommet de l’an dernier et contribuer à faire en sorte que la science brille à Kananaskis, en Alberta.