La recherche translationnelle : un catalyseur pour la renaissance des sciences de la vie au Canada

Publié le: octobre 2024Catégories: Stratégie d'innovation du Canada 2024, Éditoriaux
Clause de non-responsabilité : La version française de cet éditorial a été auto-traduite et n’a pas été approuvée par l’auteur.
Vanessa-Nelson

Stéphanie Michaud

Président et CEO

BioCanRx

Lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé, un vaccin a été développé en seulement un an, démontrant la rapidité et les capacités extraordinaires de la science moderne. Ce développement rapide s'appuyait sur des décennies de recherche multidisciplinaire et de collaboration mondiale, et a souligné l'importance cruciale d'investir dans l'ensemble du continuum de la recherche en santé, du laboratoire au chevet du patient. Il a également mis en évidence la nécessité de continuer à financer la recherche translationnelle, une étape essentielle pour faire progresser les innovations en matière de soins de santé dans le processus d'essai.

Si l’on parle souvent de la recherche effectuée en laboratoire et des résultats apportés aux essais cliniques ou au chevet du patient, on entend moins parler de ce qui se passe entre ces deux domaines. La recherche translationnelle, qui consiste à transformer les découvertes en traitements et interventions pouvant être utilisés en milieu clinique, est par nature multidisciplinaire et complexe. Comme l’a démontré la réponse à la pandémie, elle implique une collaboration entre les scientifiques de base, les chercheurs cliniques et les professionnels de la santé, et intègre des connaissances issues de divers domaines tels que la biologie, la chimie, la biofabrication et la médecine. En raison de ces complexités, la recherche translationnelle est souvent surnommée la « vallée de la mort » de la recherche et constitue un obstacle à l’innovation dans le domaine de la santé en raison du manque de financement, de ressources et de soutien pour faire passer les recherches en phase initiale par les étapes de développement, d’approbation réglementaire et de commercialisation.

Tirant les leçons de la pandémie, le Canada a pris des mesures pour renforcer sa capacité à répondre aux menaces futures en élaborant la Stratégie de biofabrication et des sciences de la vie (SBBS) et en investissant dans la biofabrication et les essais cliniques. Ces investissements ne visent pas seulement à se préparer à la prochaine crise sanitaire, mais aussi à positionner le Canada comme chef de file des sciences de la vie. Ils démontrent que le financement de la recherche translationnelle, comme celle qui a été menée pendant la pandémie, peut permettre de mettre au point des traitements qui sont administrés plus rapidement au chevet des patients, ce qui améliore les résultats des patients et procure des avantages économiques. Mais il faut faire plus.

Le Canada doit tirer les leçons des résultats de la réponse à la pandémie et élaborer une vision qui sous-tend l’ensemble de sa stratégie de financement des sciences de la vie. Cette vision exige plus que la construction d’installations et le soutien des essais cliniques qui font partie de la recherche translationnelle; elle nécessite des investissements soutenus et une approche stratégique pour maintenir la préparation et l’innovation en dehors des périodes de crise. Le financement de la recherche translationnelle, qui comble l’écart entre les découvertes en laboratoire et les applications cliniques, est essentiel pour atteindre cet objectif. Il garantit que les percées scientifiques se traduisent par des traitements concrets qui profitent aux patients, stimulent l’économie et soutiennent nos entreprises. L’organisation du financement et la coordination d’activités sur mesure pour combler les lacunes uniques de l’écosystème canadien des sciences de la vie peuvent accélérer et atténuer les risques de traverser la « vallée de la mort ».

Par où commencer? Bien que la recherche translationnelle nécessite une collaboration et une coopération multidisciplinaires étendues et complexes, BioCanRx, financé par le gouvernement fédéral, a démontré que son approche unique pour soutenir la communauté de recherche en immunothérapie du cancer partout au Canada peut produire des résultats tangibles. Ce modèle offre une voie visionnaire qui peut être appliquée à l’ensemble de l’écosystème de la recherche en soins de santé – avec les engagements d’investissement nécessaires de divers secteurs, y compris du gouvernement fédéral.

Miser sur le succès – Le modèle BioCanRx

Le cancer tue quatre fois plus de Canadiens que la COVID-19. Près de la moitié des Canadiens devraient recevoir un diagnostic de cancer au cours de leur vie, et près de 25 % en mourront. Les bailleurs de fonds canadiens en recherche sur le cancer investissent environ 500 millions de dollars par an; ce chiffre est resté pratiquement inchangé au cours de la dernière décennie, conformément à l'état de l'investissement global en recherche au Canada (à l'exclusion du secteur privé). Ce montant représente 2 % du coût annuel global du cancer pour l'économie canadienne, estimé à 26.2 milliards de dollars en 2021, dont 30 % sont supportés par les patients et leurs familles.

L’Alliance canadienne pour la recherche sur le cancer (ACRC) suit les investissements dans l’écosystème de la recherche sur le cancer au Canada. Notre analyse des études de l’ACRC a démontré que les bailleurs de fonds de la recherche sur le cancer ont concentré leurs investissements dans la recherche en phase précoce. Cette situation, combinée aux coûts très élevés liés au développement de produits biologiques, a créé un écart de financement et d’expertise entre la recherche traditionnelle financée par le gouvernement et les ONG et l’industrie biotechnologique et pharmaceutique, ce qui empêche le transfert de nouvelles biothérapies basées sur la recherche canadienne hors des laboratoires canadiens. Le résultat ? Les découvertes canadiennes remontent généralement la chaîne de valeur aux États-Unis ou ailleurs. Nous ne récoltons pas les avantages économiques de nos investissements dans la recherche sur le cancer et de nombreux patients canadiens ne bénéficient pas d’un accès précoce à de nouvelles biothérapies par le biais d’essais cliniques.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : bien que le Canada soit en mesure de réaliser 4 % des essais cliniques mondiaux et qu’il soit le chef de file du G7 en matière de productivité des essais cliniques (nombre d’essais par population), nous ne sommes toujours pas en mesure de traduire nos propres découvertes en innovations. Seulement 4 % de tous les essais d’immunothérapie contre le cancer au Canada sont basés sur des innovations locales (clinicaltrials.gov, avril 2002-juillet 2024). Il s’agit là d’une amélioration considérable par rapport aux données antérieures : moins de 1 % des essais d’immunothérapie contre le cancer étaient basés sur des innovations canadiennes de 2002 à 2015.

Dans ce contexte, BioCanRx, le réseau canadien d’immunothérapie, est devenu un chef de file dans la transposition des immunothérapies de pointe contre le cancer de la recherche aux essais cliniques. Nos travaux ont déjà mené à des traitements qui sauvent des vies, comme la thérapie cellulaire CAR-T fabriquée au Canada, qui a transformé des vies partout au pays. Nous faisons également progresser la performance de nos essais cliniques locaux : depuis notre création en 2015, 41 % des essais d’immunothérapie contre le cancer sont directement attribuables à notre programme de recherche translationnelle.

L'impact de BioCanRx sur la recherche canadienne en immunothérapie contre le cancer démontre les avantages d'adopter une approche écosystémique au Canada, en finançant l'ensemble du continuum de la recherche en santé, y compris la recherche translationnelle. Cette approche est essentielle non seulement pour répondre aux futures crises sanitaires, mais aussi pour tirer profit de nos découvertes scientifiques. Le récent financement de 38 millions de dollars du Fonds stratégique des sciences du gouvernement du Canada à BioCanRx est un pas dans la bonne direction. Cependant, des investissements plus substantiels et plus soutenus dans d'autres domaines du secteur des sciences de la vie sont nécessaires pour soutenir la traduction de la recherche en pratique clinique généralisée, ce qui profitera aux patients et maintiendra l'avantage concurrentiel du Canada dans l'économie mondiale des biosciences.

La pandémie de Covid-19 a donné au secteur canadien des sciences de la vie un coup de pouce dont il avait bien besoin. Elle a démontré le rôle essentiel du secteur dans la santé et le bien-être économique et la nécessité de poursuivre la reconstruction. La Stratégie canadienne de biofabrication et des sciences de la vie (SBCV) et les investissements comme ceux réalisés par le Fonds stratégique pour les sciences pour soutenir BioCanRx sont d'excellentes premières étapes, mais soulignent également qu'il reste encore beaucoup à faire.

Des organisations comme BioCanRx illustrent le potentiel des efforts coordonnés pour générer des avantages économiques et sanitaires. L'élargissement de ce modèle à d'autres domaines de recherche peut améliorer la productivité et l'innovation du secteur de la recherche en santé au Canada. Une collaboration accrue entre les intervenants (scientifiques, cliniciens, établissements universitaires, ONG et partenaires industriels) est essentielle pour une bioéconomie compétitive.

Pour que le Canada continue de croître et de bénéficier des innovations dans le domaine des sciences de la vie, nous devons changer la culture du financement de la recherche translationnelle et faire pression pour qu'elle devienne la norme et non l'exception. Ce n'est qu'en multipliant les initiatives sur Internet que le Canada pourra commencer à bâtir le secteur des sciences de la vie riche que les Canadiens méritent et attendent, améliorant ainsi la vie des citoyens tout en stimulant la compétitivité économique du Canada à l'échelle mondiale.