Politique d'innovation fondée sur la spécialisation et la compétitivité technologiques du Canada

Publié le: octobre 2024Catégories: Stratégie d'innovation du Canada 2024, Éditoriaux
Clause de non-responsabilité : La version française de cet éditorial a été auto-traduite et n’a pas été approuvée par l’auteur.
Zafer-Sonmez

Zafer Sonmez

Chargé de recherche principal

Conference Board du Canada

Alain-Francq

Alain Francq

Directeur de l'innovation et de la technologie

Conference Board du Canada

La faiblesse prolongée des investissements des entreprises dans les machines, l’équipement et la propriété intellectuelle est associée à une faible productivité au Canada (Banque du Canada, 2024). Cette tendance est liée à la baisse de notre compétitivité industrielle (CIP). Elle a augmenté dans les années 1990, mais notre position s'est dégradée depuis plus de 20 ans. CIP est un indice complet mesurant la capacité des nations à produire et à exporter des biens manufacturés de manière compétitive. Cet indice permet de déduire la capacité technologique, la diversité industrielle et la sophistication des exportations. Sans surprise, CIP a suivi de près la tendance des investissements des entreprises dans la recherche et le développement au cours de la même période (graphique 1).

Figure 1 : La position du Canada en matière de performance industrielle compétitive s'est détériorée parallèlement à la baisse des dépenses des entreprises en R&D

Au cours des dix dernières années, le Canada a été moins performant que les pays du G7 en matière de dépôt de brevets. Au cours de cette période, le Canada a multiplié par trois son taux de dépôt de brevets, tandis que les pays du G10 l'ont multiplié par cinq (graphique 30). Le Canada se classe parmi les pays les moins inventifs, juste au-dessus de l'Italie. Cela n'est pas simplement dû à une croissance démographique plus lente au Canada par rapport aux pays du G3 ou au reste du monde. La part du Canada dans la population mondiale est restée stable à environ 7 %, tandis que sa part dans les brevets mondiaux a diminué de 5 % à 2 % au cours des trente dernières années. Nous sommes devenus un pays moins inventif, ce qui a d'énormes répercussions sur la productivité et le niveau de vie.

Figure 2 : Le Canada accuse un retard par rapport à ses pairs depuis deux décennies en matière de publications dans le cadre du Traité de coopération en matière de brevets (PCT)

Source : Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI); Conference Board du Canada

Les faibles dépenses en recherche et développement des entreprises canadiennes s'accompagnent d'une difficulté à mener et à commercialiser des recherches innovantes. Pour améliorer la performance du Canada en matière de brevets, il faudra commencer par améliorer la recherche et le développement des entreprises et les collaborations avec les établissements d'enseignement postsecondaire afin de transformer les résultats de la recherche en produits et services innovants.

Le dépôt de brevets est également crucial pour permettre aux entreprises canadiennes de devenir des compétiteurs internationaux, car la propriété intellectuelle détermine leur capacité à protéger et à « facturer des loyers » pour leurs idées. La PI donne également aux entreprises la « liberté d’opérer » dans leur domaine d’utilisation. Une approche pour élaborer des stratégies de PI compétitives consiste à identifier les secteurs dans lesquels le Canada possède une spécialisation et une force sectorielles et à soutenir ces secteurs. Cependant, le manque de données probantes sur la spécialisation et la compétitivité du Canada dans les différents domaines technologiques nous empêche d’évaluer si les politiques actuelles soutiennent l’ensemble des secteurs qui maximiseraient l’impact des politiques publiques. Soutenir les secteurs qui présentent des avantages comparatifs est logique sur le plan économique, car ces secteurs indiquent qu’ils ont déjà passé un « test de marché » et qu’un soutien supplémentaire accélérerait l’accumulation de capital physique et humain.

Le développement d’une telle compréhension systématique fournira une base solide pour prioriser les domaines technologiques pour le soutien des politiques publiques (Narassimhan et al., 2024). La performance des brevets est associée à l'innovation (OCDE, 2023) qui à son tour stimule la croissance économique à long terme (OCDE, 2010) Il est nécessaire d'adopter une approche sectorielle de la politique d'innovation car : 1) la complexité des économies modernes exige que les politiques horizontales soient complétées par des interventions plus ciblées (obstacles sectoriels à la croissance), 2) certains secteurs ou technologies ont une influence significative sur l'économie globale, soulignant la nécessité d'une attention et d'un soutien ciblés en raison de leur importance démesurée (Balawejder et Ellys Monahan).

Nous pourrions développer ces connaissances de base cruciales en appliquant une double approche analytique composée du quotient de localisation (LQ) et de l’analyse du partage des déplacements (SSA) aux données de brevets.

Les résultats de l'analyse du QL nous permettront d'évaluer le soutien politique actuel à certains domaines technologiques et de recommander de nouveaux domaines technologiques pour le soutien public. Premièrement, une forte spécialisation constante (mesurée par le QL) dans des domaines technologiques spécifiques indique qu'il existe des facteurs nationaux ou des compositions sectorielles qui soutiennent les entreprises et les établissements de recherche du Canada dans ces domaines technologiques. Ce résultat nous permet d'évaluer systématiquement s'il existe un chevauchement entre les domaines technologiques dans lesquels le Canada (et ses régions) est spécialisé et les technologies que le gouvernement canadien considère comme prioritaires.

D’autre part, les résultats de l’ASS permettront de déterminer les domaines technologiques dans lesquels les politiques ou les interventions publiques pourraient avoir le plus d’impact, en identifiant les domaines technologiques dans lesquels le pays dispose d’un avantage concurrentiel ou est en retard par rapport à la moyenne mondiale. Le fait de déterminer les domaines technologiques (le cas échéant) dans lesquels la composante nationale de la croissance est positive pour le Canada (ou ses régions) pourrait être interprété comme un indicateur d’un avantage concurrentiel national/régional, ce qui justifierait un soutien politique continu à ces technologies. À l’inverse, les domaines technologiques dans lesquels la composante nationale de la croissance est négative pour le Canada (ou ses régions) pourraient être interprétés comme un indicateur de l’absence d’avantage concurrentiel national/régional, de sorte que le soutien politique à ces industries aurait moins d’effet et aurait probablement moins d’impact prévu.

Les technologies de pointe sont essentielles pour résoudre les problèmes de faible productivité du travail et de compétitivité industrielle du Canada (Statistique Canada). Nous ne pourrons être les chefs de file mondiaux dans le développement et l'application de ces technologies que si nos politiques publiques et nos autres mécanismes de soutien sont élaborés en fonction de nos atouts actuels. La priorisation technologique est essentielle pour assurer le succès à long terme de nos stratégies scientifiques et technologiques et pour améliorer la performance du Canada en matière d'innovation.


1 La moyenne des 18 indicateurs et indices suivants. Valeur ajoutée manufacturière par habitant; exportations de produits manufacturés par habitant; impact d'un pays sur le commerce mondial de produits manufacturés; impact d'un pays sur la VAM mondiale; part de la valeur ajoutée manufacturière (VAM) de moyenne et haute technologie dans la VAM totale; part des exportations de produits manufacturés de moyenne et haute technologie dans les exportations totales de produits manufacturés; part de la valeur ajoutée manufacturière dans le PIB total; part des exportations de produits manufacturés dans les exportations totales; part de l'indice des exportations manufacturières mondiales; part des activités de moyenne et haute technologie dans l'indice des exportations manufacturières; indice des exportations de produits manufacturés par habitant, indice de qualité des exportations industrielles; part des exportations de produits manufacturés dans l'indice des exportations totales; part de l'indice de VAM mondial; indice d'intensité d'industrialisation; part des activités de moyenne et haute technologie dans l'indice de VAM totale; indice de VAM par habitant; part de la VAM dans l'indice du PIB.

2 La même tendance est observée dans les taux de croissance annuels composés (TCAC). Le Canada a enregistré un taux de croissance annuel moyen de 3.7 %, tandis que le G7 a enregistré un taux de croissance de 5.7 % au cours de cette période.

Les politiques horizontales comprennent la fourniture d’infrastructures, la politique en matière d’éducation et de compétences, ainsi que les subventions générales à l’innovation.

4 Le LQ mesure la concentration d'une activité technologique ou industrielle particulière dans une région ou un pays par rapport à sa concentration à un niveau géographique supérieur (monde).

5 La SSA décompose la croissance nationale en trois composantes (effet global, mix industriel, changement concurrentiel) en comparant la croissance nationale à une référence plus large, généralement une moyenne mondiale.