Assurer notre avenir commun : la voie audacieuse vers une conservation transformatrice au Canada

Auteurs):

Catherine Grenier

Conservation de la nature Canada

Présidente et cheffe de la direction

Il est dorénavant impossible d’ignorer que les crises des changements climatiques et de la perte de biodiversité touchent presque toutes les régions du Canada. Des incendies historiques, des inondations généralisées, de graves sécheresses et d’autres catastrophes liées au climat ont causé des milliards de dollars de dégâts; sans parler des répercussions tragiques et incalculables sur la vie de centaines de milliers de Canadiennes et de Canadiens. Personne n’est à l’abri des impacts que nous constatons et ressentons à travers la planète. Une action urgente et collective est nécessaire, et ce, dès maintenant.

Une hausse du nombre, de l’intensité et de la fréquence des incendies, des inondations et des tempêtes, et ce, sur de plus vastes superficies, sont des signaux que quelque chose ne va pas. Même s’il peut être difficile pour le commun des mortels de voir ou de ressentir l’immense perte de biodiversité, celle-ci est en cours partout autour de nous et elle s’aggrave. Les taux d’extinction actuels sont de 100 à 1,000 XNUMX fois supérieurs aux taux naturels et sont en augmentation. Au Canada, une espèce évaluée sur cinq risque de disparaître. L’affaiblissement de la toile de la vie menace la nourriture que nous mangeons, l’eau que nous buvons et l’air que nous respirons. Cependant, tout comme la perte de la nature nous touche tous, sa guérison nous touche également. Car sans la nature, il n’y a pas de « nous ».

Conservation de la nature Canada (CNC) a plus de 60 ans d’expérience sur le terrain en matière de production de résultats permanents pour la nature et pour la population. Malgré nos succès, l’urgence de la double crise de la biodiversité et du climat exige que nous accélérions le rythme de notre travail; nous nous sommes donc engagés à doubler notre impact d’ici 2030. Nous savons que nous devons aussi tirer les leçons de nos expériences et transformer radicalement la façon dont nous effectuons notre travail, par l’innovation et en démontrant de l’ambition et de l’optimisme pour avancer.

Pour garantir à tous et à toutes un avenir commun, la voie audacieuse vers une conservation transformatrice nécessite des investissements et une collaboration dans le développement de nouveaux outils et approches, soit des partenariats de recherche créatifs, des technologies de nouvelle génération pour une utilisation plus intelligente des données, des outils de surveillance et de planification qui suivent, comprennent et communiquent les changements aux échelles locale, régionale et nationale, ainsi que les outils financiers qui soutiennent les investissements responsables du secteur privé pour protéger et restaurer la nature.

Il n'y a aucun doute que TOUTE la société doit en faire davantage pour faire face aux crises les plus importantes de notre époque. Voici ce sur quoi nous devons nous pencher :

Partenariats de recherche 

La conseillère scientifique en chef du Canada, la Dre Mona Nemer, a souligné dans son plus récent rapport annuel que le travail scientifique accompli au Canada fait l’envie de nombreux pays à travers le monde. Il est une source d’informations vitales pour élaborer des politiques efficaces : « Les décideurs et décideuses politiques et les législateurs et législatrices doivent avoir accès en temps opportun à des connaissances scientifiques pertinentes et communiquées de manière claire et concise. » Une recherche scientifique solide est essentielle pour évaluer les menaces qui pèsent sur la biodiversité et comparer l’efficacité des stratégies de conservation.

CNC utilise les meilleures données probantes disponibles – tant scientifiques que celles issues de savoirs autochtones – pour surveiller la nature, déterminer des solutions pour sa conservation et tester les résultats de son travail. Nous collaborons avec des centaines d’expertes et d’experts du monde universitaire, de tous les ordres de gouvernement, des communautés autochtones et d’autres organisations non gouvernementales pour approfondir notre compréhension collective des terres et des eaux où nous travaillons, ainsi que des espèces et des individus qui y vivent et qui en dépendent.

Par exemple, nous travaillons avec les Mi’kmaq d’Epekwitnewaq, à l’Île-du-Prince-Édouard, pour protéger et prendre soin de Kwesawe'k (l’île Oultons). Les membres de cette communauté autochtone et le personnel de CNC y collaborent pour en apprendre davantage sur le riche patrimoine naturel de l’île et élaborent un plan pour la restituer à la communauté mi’kmaq.

Les études sur la connectivité écologique, parfois appelées « filet de sécurité pour la nature », représentent une autre initiative passionnante. Ces études sont d’autant plus importantes que la modification des paysages par les humains et les changements climatiques affectent les milieux où les espèces vivent et se déplacent, ainsi que la manière dont elles interagissent. À l’aide de décennies de données de surveillance, d’images satellites et de modélisation mathématique, nous mesurons la connectivité entre toutes les aires protégées au Canada et définissons les seuils de connectivité pour différents écosystèmes et espèces.

Parce que la conservation est ancrée dans l’action sur le terrain, nous associons les sciences naturelles aux sciences sociales pour comprendre les considérations pratiques des actions relatives à la gestion, telles que la faisabilité de la mise en œuvre de différentes combinaisons d’activités par différents groupes pour atteindre les objectifs de conservation.

La collaboration sur des projets de recherche comme ceux-ci peut générer des informations essentielles nécessaires à l’élaboration de politiques visant à stimuler les efforts de conservation au pays.

Conservation high tech

Dans un monde où les conversations peuvent être limitées par l’accès différent à des informations de haute qualité, ou par la capacité d’imaginer les résultats probables de différentes décisions, l’accès aux données et aux outils de prise de décision est crucial.

En partenariat avec l’Université Carleton (Ottawa, Ont.), CNC dirige un projet unique de technologie de conservation pour créer des outils de planification spatiale qui peuvent aider les gouvernements et les organisations à prendre des décisions éclairées sur l’utilisation des terres, y compris le travail de conservation. Grâce à un outil à code source libre (open source), appelé SITES, des discussions en temps réel peuvent avoir lieu au sujet de données et d’analyses réelles. Le public, les propriétaires fonciers et les partenaires peuvent constater l’impact des différentes décisions en quelques clics.

La technologie la plus révolutionnaire de notre époque possède aussi un grand potentiel pour la conservation de la nature. Les programmes de prise de décision et de surveillance profitent en effet de l’apprentissage automatique (machine learning). CNC exploite d’ailleurs les premiers systèmes d’intelligence artificielle pour rendre les outils mathématiques complexes plus accessibles à un plus grand nombre de personnes.

Lorsqu’elles sont combinées aux bons outils, connaissances et expertises, les technologies de conservation offrent aux chef(fe)s d’entreprise une occasion majeure de prendre une place dans l’économie de la nature.

Investir dans la nature

À mesure que le secteur privé s’oriente vers des engagements carboneutres et en faveur de la nature, le bassin de capitaux privés disponibles pour la conservation augmente. Lorsque les entreprises s’engagent à adopter des pratiques plus respectueuses de l’environnement et qu’elles investissent dans la conservation, elles contribuent à résoudre la crise climatique en soutenant des solutions fondées sur la nature, comme la conservation et la restauration des écosystèmes qui stockent le carbone et filtrent l’eau.

L’Accélérateur de projets Nature + Climat de CNC (« l’Accélérateur ») élabore des moyens permettant au secteur privé de l’aider à respecter ses engagements en matière de climat et de nature lorsqu’il investit dans les projets de CNC. Ce programme détermine des projets qui répondent à des critères d’éligibilité spécifiques, tels que la menace de conversion d’un paysage intact à une utilisation commerciale des terres. Pour ces projets de conservation, tirer parti de compensations carbone et d’autres solutions fondées sur la nature constituent une opportunité d’exploiter de nouvelles sources de revenus, permettant à CNC de faire plus de travail de conservation, plus rapidement.

Nous dirigeons actuellement deux projets : le Darkwoods Forest Carbon Project, en Colombie-Britannique, et le Projet de séquestration de carbone Terres boréales, en Ontario. Tous deux sont certifiés selon les normes internationales et constituent d’excellents exemples de projets de conservation dans lesquels l’Accélérateur exploite les marchés du carbone pour accélérer les investissements du secteur privé dans la nature.

Investir dans la nature génère des résultats environnementaux et économiques gagnant-gagnant autant pour la conservation que pour le secteur privé.

Une approche pansociétale de la conservation transformatrice

La COP15 a été un moment décisif pour la conservation mondiale et une réalisation majeure pour le Canada. Un travail acharné pour répondre à l’ambition du Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal a commencé. Par exemple, avec un peu plus de 13.5 % des terres et des eaux protégées, les progrès du Canada vers 30 % de protection (objectif 3) ne reflètent pas l’urgence de la double crise de la perte de biodiversité et des changements climatiques. Et il y a 22 autres cibles qui nécessitent une attention particulière. En tant qu’hôte de la COP15 et abritant certains des plus grands paysages intacts et réservoirs de carbone au monde, le Canada démontre ses progrès sur la scène mondiale.

Nous pouvons apporter des solutions innovantes et transformatrices pour la conservation. Ce n’est toutefois que lorsque tout le monde sera autour de la table qu’un avenir commun résilient pourra être assuré. Depuis des millénaires, la nature soutient notre existence. Désormais, son avenir dépend de notre engagement, de nos investissements et de nos actions collectives.