Grâce au capital naturel et à la confiance, le Canada peut devenir une puissance agroalimentaire

Publié le: septembre 2016Catégories: CPSC 2016 Éditoriaux en vedette, Éditoriaux

Auteur:

David Mc Innes

McInnes
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Selon vous, quel est l'ingrédient le plus important dans la production alimentaire moderne ? De bonnes graines ? Précipitations ? Engrais? La réponse surprenante est que dans le monde entier, la ressource la plus rare et la plus précieuse pour produire de la nourriture est la confiance. Heureusement, le Canada possède des avantages naturels qui pourraient permettre aux peuples du monde de nous considérer comme leur source alimentaire la plus fiable - si nous prenons des décisions intelligentes.

Jusqu'à présent, une grande partie de la conversation sur la production alimentaire mondiale a tourné autour de la quantité : comment allons-nous produire suffisamment pour des milliards de personnes supplémentaires ? Mais ce n'est pas le défi le plus difficile.

La grande question n'est pas de savoir si nous pouvons produire suffisamment de nourriture, mais si nous pouvons le faire de manière durable, sans ruiner la planète. Nous devons accorder plus d'attention au capital naturel : notre eau, nos sols et la biodiversité des organismes vivants.

Partout dans le monde, la confiance dans la production alimentaire est mise à mal alors que l'épuisement du capital naturel se poursuit. Dans de nombreuses régions, l'utilisation de l'eau – en particulier l'utilisation de l'eau agricole – dépasse les taux de recharge naturelle. Les proliférations d'algues, favorisées par la surutilisation d'engrais et le ruissellement du phosphore des villes et des cités, menacent les océans et les lacs. En Europe et ailleurs, les niveaux de pesticides dans les eaux souterraines sont préoccupants. En Chine, les gens en sont venus à se méfier tellement de la production alimentaire locale qu'il y a un commerce en plein essor d'aliments importés en ligne. Les gens commencent également à s'inquiéter des liens entre la santé et la production alimentaire.

Bien que la plupart ne soient pas conscients de la science derrière ces problèmes, les consommateurs du monde entier sont de plus en plus inquiets quant à la façon dont les aliments qu'ils consomment sont produits. Cette préoccupation transparaît dans les mouvements populaires sur les aliments OGM, les produits biologiques, « achetez local », etc. Mais ce ne sont que des chevaux qui traquent les problèmes les plus graves.

Gagner la confiance va bien au-delà d'essayer de rassurer les consommateurs sur la façon dont nous cultivons les aliments. L'agriculture doit montrer comment elle vit dans le capital naturel limité du monde et l'améliorer réellement. Par exemple, le secteur agricole mondial peut passer de la simple amélioration de ses propres émissions de carbone à l'absorption d'une partie substantielle des émissions de gaz à effet de serre (GES) des combustibles fossiles. Les preuves suggèrent qu'à mesure que le prix du carbone augmente, des sols correctement gérés pourraient éventuellement rendre cela possible. Le Canada doit faire preuve d'audace pour faire avancer une réflexion aussi novatrice.

De nombreux pays vont être aux prises avec la hausse des coûts de production alimentaire à mesure que leurs charges environnementales augmentent. Les pays qui épuisent gravement leurs aquifères sont confrontés à des déficits en eau. D'autres ont défriché de vastes étendues de forêts tropicales – les grands puits de carbone – à des fins agricoles. Ils ont été confrontés à des boycotts et à des sanctions des consommateurs car ils sont devenus d'importants émetteurs de GES et destructeurs d'écosystèmes.

Les chaînes d'approvisionnement réagissent. Par exemple, le Canada joue un rôle de chef de file dans la production de boeuf durable. Nos détaillants font partie d'un effort mondial pour s'approvisionner en produits de la mer de manière durable. De nombreux producteurs ici et à l'étranger gèrent mieux l'utilisation des pesticides et des engrais. De nombreuses entreprises alimentaires améliorent l'utilisation de l'énergie et de l'eau.

Notre opportunité stratégique est de reconnaître que de nombreux pays auront du mal à préserver, et encore moins à améliorer, le capital naturel. Le Canada, par contre, possède une abondance d'eau douce renouvelable et de terres arables par rapport à sa population. Même nos hivers redoutés offrent un avantage agricole, agissant comme un pesticide naturel.

Le Canada peut définir une marque alimentaire puissante alors que de plus en plus de consommateurs recherchent des fournisseurs fiables et plus responsables. C'est ce que nous appelons la « grande possibilité » du Canada. Le Canada peut se positionner comme une source alimentaire privilégiée et en tirer des avantages économiques.

Mais en faisons-nous assez pour vraiment tirer parti du potentiel du Canada? Il nous manque un objectif commun. Nous pouvons viser à produire plus de nourriture, à le faire de manière durable et à améliorer sa qualité nutritionnelle, tout cela en même temps. Cela placerait le Canada encore plus à l'avant-garde de l'innovation alimentaire mondiale. Cet effort nécessitera une étroite collaboration dans l'ensemble du système alimentaire, y compris les fournisseurs agricoles, les producteurs alimentaires, les transformateurs et les détaillants. Il s'étend également aux scientifiques, aux fournisseurs de technologie, aux institutions financières, à la communauté de la santé et à d'autres.

Il y aurait évidemment un rôle important pour le gouvernement. Les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de l'Agriculture discutent de la question de la confiance dans l'optique du maintien de la licence sociale d'exploitation du secteur agroalimentaire. S'attaquer aux grands problèmes auxquels le secteur est confronté (comme le changement climatique) nécessite également un programme scientifique canadien mieux coordonné. La tarification du carbone modifiera les comportements, stimulera l'innovation et permettra aux marchés d'allouer correctement les ressources. Les données et les mesures nationales peuvent suivre nos progrès. Ces étapes aideront à approfondir la confiance.

Mais nous devons être intelligents dans la façon dont nous imposons de nouvelles réglementations. Nous voulons être leader sans donner à nos concurrents un avantage significatif en termes de coûts. Grâce à son capital naturel, le Canada a une chance d'améliorer sa compétitivité s'il peut inciter les consommateurs d'ici et d'ailleurs à valoriser davantage le capital naturel et à mieux refléter le coût écologique réel des aliments.

Les attentes des consommateurs, de nos clients et même des investisseurs ne cessent de monter la barre. Nous devons inspirer une transformation dans notre façon de voir la nourriture et le capital naturel qui la sous-tend. En nous rassemblant en tant que nation, nous pouvons faire de l'agriculture et de l'alimentation canadiennes une puissance économique encore plus grande.