Budget 2019 et inclusion numérique : plus d'Internet, c'est mieux, mais est-ce suffisant ?
Auteurs):
Marc Robbin
Institut sur la gouvernance
Chercheur principal
Le budget fédéral 2019 étant en grande partie un budget intérimaire, ce qui signifie qu'il lui manque certains des cadeaux préélectoraux les plus cyniques qui caractérisent parfois les budgets des années électorales. Mais ne vous y trompez pas, d'importants engagements liés à la technologie dans le budget de 2019 méritent notre attention. L'un des plus intéressants est l'engagement continu envers la connectivité Internet rurale et éloignée. Les budgets précédents ont présenté de nouvelles dépenses axées sur l'amélioration de la connectivité rurale et éloignée, mais le budget de 2019 prévoit un engagement important à long terme pour que 95 % des Canadiens aient accès à Internet haute vitesse (50/10) d'ici 2026, et pour 100 % de Canadiens qui auront ce niveau d'accès d'ici 2030. Il s'agit d'une expansion des engagements de dépenses préexistants concernant l'accès à Internet qui, selon les propres estimations du gouvernement, apporteraient un accès Internet haute vitesse à 90 % des Canadiens d'ici 2021.
L'ensemble complet inclus dans le budget 2019 comprendra des investissements ciblés à la fois dans les infrastructures terrestres via le nouveau fonds Connect to Innovate et des investissements accrus dans la capacité des satellites terrestres bas via le Universal Broadband Fund. Au total, le plan actuel décrit dans le budget de 2019 (dont certains comprennent certes des allocations de financement antérieures) prévoit qu'un total de 5 à 6 milliards de dollars sera dépensé pour améliorer l'accès à large bande dans les régions rurales et éloignées au Canada au cours des 10 prochaines années. Ce ne sont pas seulement les deniers publics qui mettront la main à la pâte; on s'attend à ce que le secteur privé fasse également sa part et est poussé à aider à atteindre ces objectifs de politique publique par l'intermédiaire de la Banque canadienne de l'infrastructure, qui devrait mobiliser 2 milliards de dollars en investissements privés dans l'infrastructure Internet.
L'amélioration de l'accès à Internet dans les communautés rurales et éloignées est un objectif louable et on devrait raisonnablement s'attendre à ce qu'il s'accompagne d'un soutien politique continu, en cas d'enfer, de marée haute ou d'un changement de gouvernement en octobre. Il est difficile de croire qu'à un peu plus d'une heure et demie de route de la Colline du Parlement, il y a des communautés rurales en difficulté qui ont du mal à progresser dans l'économie du 21e siècle car elles n'ont toujours pas accès à Internet haute vitesse. Ce fut une expérience humiliante pour moi plus tôt cette année de traverser des communautés juste au nord de l'arrière-pays des chalets de Toronto, où le manque d'accès à Internet (y compris même les points d'accès pour téléphones mobiles) était si courant qu'il était à la fois une punchline régulière et un point de identité locale. C'est juste dans le sud de l'Ontario relativement bien desservi. Il ne manque pas de communautés éloignées qui repèrent l'énorme masse continentale du Canada qui n'a toujours pas accès à Internet.
Ne vous y trompez pas, nous vivons à une époque où un accès Internet haut débit fiable est de plus en plus une condition préalable fondamentale à notre capacité à participer pleinement à la société, au point que certains se demandent si la connectivité haut débit doit ou non être considérée comme un droit humain. Les slogans technophiles de 2019 tels que "les données sont le nouveau pétrole" et "l'avenir du gouvernement sera numérique" manquent naturellement d'un certain éclat lorsque votre communauté n'est littéralement pas connectée à l'ère numérique. De plus, alors qu'un si grand nombre des innovations de grande valeur de la société d'aujourd'hui dépendent de la connectivité Internet, le manque d'accès à Internet s'accompagne d'une inquiétude quant à l'exclusivité croissante de l'innovation au sens large. Non seulement les entreprises technologiques émergentes décideront de ne pas s'installer à Grand-Remous ou à Cambridge Bay, mais les innovations qu'elles produisent seront probablement conçues et déployées sans ces endroits à l'esprit. Si l'accès à Internet fait défaut, il en va de même pour les données, et l'analyse de rentabilisation de l'inclusion de ces domaines dans d'autres piliers de l'économie et de la société du XXIe siècle commence également à paraître moins attrayante.
La plus grande question est de savoir si les investissements dans l'infrastructure Internet décrits dans le budget 2019 sont trop peu, trop tard. Outre les questions plus évidentes de savoir combien de ces communautés rurales et éloignées continueront de survivre et de prospérer au cours des 7 à 11 prochaines années pendant que la construction des infrastructures est en cours (sauf la possibilité très réelle de retards imprévus s'ajoutant au temps d'attente), il est cela vaut la peine de se demander si des vitesses Internet de 50/10 seront suffisantes lorsqu'elles arriveront finalement. Je n'oublierai jamais d'avoir reçu une clé USB de 200 $ pour Noël il y a des années, qui avait une capacité de stockage conceptuellement illimitée pour le moment de 2 Go. Alors que la révolution numérique continue de s'accélérer sans fin, soyez assuré que nous continuons à produire et à consommer des données à un rythme exponentiel et que nos besoins en connectivité augmenteront en conséquence. Combien de temps faudra-t-il avant que 50/10 ne semble aussi hokey, pittoresque et presque inutile avec une clé USB de 2 Go ? Je parie que ce ne sera pas long.