Chercheurs en début de carrière dans le paysage scientifique et politique du Canada : obstacles et possibilités

Auteurs):

Laura Coristine, Jeremy Pittman, Richard Schuster

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Laura Coristine
Laura Coristine, PhD
Boursier postdoctoral Liber Ero
Faculté de design environnemental
Université de Calgary

Jérémy Pitman
Jeremy Pittman, Ph.D.
Boursier postdoctoral Liber Ero
Boursier d'immersion en sciences sociales SESYNC
Université de Waterloo

Richard Schuster
Richard Schuster, Ph.D.
Boursier postdoctoral Liber Ero
Département de biologie
Université Carleton

Il est probable qu'une révision de la science fondamentale déclenchera une clameur d'appels pour toujours plus de financement de la part de tous les chercheurs. Cependant, nous croyons que les chercheurs en début de carrière se perdent dans cette clameur, qui menace la diversité des points de vue nécessaires pour faire progresser des pistes de recherche rapides et novatrices dans toutes les facettes de la recherche canadienne. Les chercheurs en début de carrière, comme les boursiers postdoctoraux, jouent un rôle vital dans le paysage scientifique et politique en évolution du Canada; ils apportent de nouvelles idées et perspectives à la science et à la vulgarisation, ce qui peut stimuler le développement et la diffusion de l'innovation au profit de tous les Canadiens. Nous plaidons pour que l'équilibre soit rétabli dans le système de financement, afin que la recherche canadienne soutienne une diversité de points de vue et une production créative dans le domaine des sciences.

En tant que boursiers Liber Ero, participants au programme postdoctoral de premier plan au Canada en sciences de la conservation, nous avons acquis des connaissances spécifiques sur le processus de financement efficace grâce au soutien unique offert par une bourse postdoctorale Liber Ero. Nous décrivons certaines des considérations pertinentes que le ministre canadien des Sciences devrait prendre en compte au cours du processus d'examen.

Réviser le bilan pour le financement

Les chercheurs postdoctoraux subissent des pressions indues en raison du faible financement de la recherche en début de carrière, des faibles perspectives de futurs postes universitaires, des prestations de santé inadéquates et de la couverture souvent inexistante en vertu du RPC et de l'AE1. Entre 2002 et 2011, le nombre de bourses postdoctorales disponibles du CRSNG a été presque divisé par deux, mais le nombre de demandes postdoctorales a plus que doublé 2. En 2011, les taux de réussite des demandes de financement postdoctoral se situaient à un peu moins de 10 %, avec un taux de titularisation en baisse dans les établissements canadiens par rapport aux établissements américains. Le fait le plus frappant : alors même que les chercheurs postdoctoraux faisaient face à des baisses de soutien, le financement global par l'intermédiaire du CRSNG a augmenté de près de 1.5 fois au cours de la même période. 2. Pour compliquer le problème, les chercheurs postdoctoraux ne peuvent présenter qu'une seule demande au CRSNG, seulement au cours des deux premières années suivant l'obtention du doctorat, et à aucun autre programme de financement des trois organismes au cours de la même année. Pourtant, la rareté des opportunités de carrière universitaire fait que de nombreux chercheurs travaillent dans le domaine nébuleux et mal financé du post-doctorat et du pré-professeur pendant jusqu'à 6 ans. 3. Bien que la réduction des investissements dans les boursiers postdoctoraux puisse réduire les coûts à court terme, à long terme, une telle approche érode inévitablement de nouvelles perspectives pour relever bon nombre des défis urgents d'aujourd'hui et, en outre, pousse de nombreux jeunes scientifiques à quitter le Canada à la recherche de financement. Le processus actuel de soutien au financement postdoctoral ne sélectionne plus la crème, mais conduit plutôt à l'attrition des meilleurs, car les opportunités sont si sévèrement limitées.

Accompagnement des transitions d'étapes de vie

Les mécanismes de financement actuels et les exigences des programmes créent souvent des obstacles pour les chercheurs en début de carrière qui établissent des carrières universitaires tout en équilibrant les jeunes familles, ce qui réduit leur capacité à participer efficacement à l'avancement de la science, des politiques et de l'innovation au Canada. Les étapes ou circonstances de la vie distinctes coïncident généralement avec une phase de recherche en début de carrière; trop souvent, les chercheurs postdoctoraux doivent faire des sacrifices substantiels qui impliquent soit de réduire leur potentiel de carrière future, soit de quitter le monde universitaire afin de maintenir l'équilibre dans la vie de tous les jours4. Prenons, par exemple, les obstacles actuels pour les chercheurs postdoctoraux qui fondent une famille. Les politiques des programmes de financement, en ce qui concerne le congé parental, se sont considérablement améliorées au cours des dernières décennies. Cependant, les politiques canadiennes accusent encore un retard considérable par rapport à des pays comme l'Autriche ou la Norvège et posent des défis considérables aux chercheurs en début de carrière. Pour les stagiaires postdoctoraux, les options de congé parental du CRSNG offrent un maximum de 6 mois de congé payé, même en cas de complications de grossesse ou de naissances multiples. Les IRSC offrent la même chose – sous réserve de la disponibilité des fonds. Le CRSH n'offre aucune prestation parentale. De plus, de nombreux boursiers postdoctoraux canadiens bénéficiant d'autres sources de financement ont un accès limité ou inexistant au congé parental. Compte tenu du climat économique actuel, cela produit des circonstances presque impossibles pour les jeunes familles. De plus, les options d'opportunités de recherche (et de financement) à temps partiel sont rares ou tout simplement indisponibles, malgré le potentiel de ces opportunités pour soutenir les transitions des universitaires en début de carrière qui jonglent également avec les responsabilités d'une jeune famille.

Accompagnement à l'insertion professionnelle

La rareté des postes universitaires et le niveau élevé d'importance accordé aux publications poussent de nombreux chercheurs pré-facultés à se démener après les manuscrits plutôt que la croissance académique. Le réseautage, la collaboration, le développement des compétences et le leadership sont des fondements importants d'une carrière universitaire et d'un historique de publications à long terme, mais ces aspects font rarement partie d'un programme de recherche postdoctorale. Doter la prochaine génération de scientifiques de qualifications et de références adaptées à la recherche scientifique moderne ne doit pas simplement être laissé au hasard. Les organismes de financement stimulent la réalisation de la recherche scientifique et ont la capacité de démarrer ce processus encore plus tôt en offrant des options de formation aux scientifiques en début de carrière. La récente Bourse de recherche en politiques scientifiques canadiennes MITACS est un nouveau programme prometteur qui offre une formation en début de carrière. Le programme Liber Ero propose chaque année deux semaines de formation intensive en compétences, avec une collaboration intégrée dans les programmes de recherche des participants. Une formation ciblée et le développement de carrière grâce à des opportunités de collaboration devraient être une composante de chaque poste postdoctoral et en début de carrière.

Diversité dans la représentation de la recherche

Les caractéristiques structurelles des programmes de financement des sciences fondamentales du Canada créent des déséquilibres potentiels dans la représentation de certains groupes (p. ex. sexe, stade de la vie et origine ethnique) au sein des cohortes émergentes de chercheurs en début de carrière, ce qui a de nombreuses répercussions potentielles sur l'avenir de la recherche canadienne. De plus, le soutien limité aux familles, la forte concurrence pour les bourses et la perception de peu de possibilités d'emploi détournent de nombreux jeunes chercheurs de la recherche au Canada, en particulier pour les femmes et les postdoctorants avec des familles. Pourtant, le manque de représentation s'étend également à la poursuite de nouvelles recherches. Dans le cadre de la formule de financement actuelle, les chercheurs sont incités à adopter des approches éprouvées et non à prendre les risques nécessaires pour faire progresser la science à un rythme proportionné aux changements mondiaux. La recherche novatrice, menée par des chercheurs en début de carrière ayant une capacité d'impact élevé (p. ex., qui intègre la participation scientifique citoyenne, les approches consensuelles et la gestion intégrative), tombe entre les mailles du filet parce qu'elle ne s'intègre souvent pas parfaitement dans l'un des trois catégories de financement. De plus, sans accès à leurs propres fonds de recherche, les chercheurs postdoctoraux sont entravés dans leur capacité à poursuivre des objectifs de recherche nouveaux et créatifs. Inciter les chercheurs en début de carrière à se concentrer principalement sur des projets bien établis (qui s'intègrent dans des silos de recherche distincts) ne permet pas la réflexion latérale nécessaire pour susciter une véritable innovation.

Recommandations

Il y a une ligne fine entre les défis qui encouragent la poursuite de l'excellence et ceux qui deviennent insurmontables à cause d'un impact cumulatif et progressif qui érode le temps, la concentration et la capacité des chercheurs. Le financement et le soutien actuels des boursiers postdoctoraux entrent dans cette dernière catégorie et augmentent les obstacles académiques au début de leur carrière. De simples changements aux programmes de financement pourraient apporter des avantages significatifs. Nous proposons les améliorations suivantes :

  • Augmenter le financement de la recherche fondamentale par les stagiaires postdoctoraux (nombre et montant des bourses) et réévaluer les critères et conditions pour les candidats en début de carrière.
  • Offrir des possibilités de travail postdoctoral à temps partiel et instituer des politiques de congé parental qui favorisent l'équilibre travail-vie personnelle.
  • Fournir aux boursiers postdoctoraux des fonds de recherche pouvant être utilisés pour l'infrastructure, la formation et le soutien spécifiques au projet (y compris des éléments de soutien souples tels que la garde d'enfants pendant les conférences, la formation et les ateliers).
  • Recentrer les politiques de financement pour promouvoir une diversité de perspectives de recherche et éliminer le cloisonnement entre les organismes de financement des trois conseils.

Le plus crucial de tous est peut-être de se rappeler que l'examen signifie parfois partir des premiers principes, instituant les meilleures pratiques glanées à travers le monde. Nous ne parlons pas simplement de réinventer la roue de la science fondamentale, mais nous préconisons plutôt de revoir les points de départ et d'arrivée qu'exige une carrière scientifique. Les programmes de financement du Canada doivent être réformés pour éliminer les obstacles auxquels sont confrontés les chercheurs en début de carrière, le résultat final étant un paysage scientifique plus créatif, solidaire et innovant au Canada.

Références

1 Mitchell, JS, Walker, VE, Annan, RB, Corkery, TC, Goel, N., Harvey, L., Kent, DG, Peters, J., Vilches, SL 2013. Sondage postdoctoral canadien 2013 : Peindre un tableau des chercheurs postdoctoraux canadiens. Association canadienne des chercheurs postdoctoraux et Mitacs.

2 Conseil de recherches en sciences nationales et en génie du Canada. "Faits et chiffres 2010-2011." http://www.nserc-crsng.gc.ca/_doc/FactsFigures-TableauxDetailles/2010-2011Tables_e.pdf Consulté en septembre 1, 2016.

3 Powell, K. L'avenir du postdoc. Nature 520, 144 à 147 (2015).

4 Van Balen, B., van Arensbergen, P., van der Weijden, I. & van den Besselaar, P. Déterminants du succès dans les carrières universitaires. Politique de l'enseignement supérieur 25, 313 à 334 (2012).