Résilience à la COVID-19, aires protégées et conservées autochtones et économie essentielle

Auteurs):

Eli Enns

Fondation IISAAK OLAM

Président et résolveur de problèmes en chef

Territoires W̱SÁNEĆ et Lekwungen, Victoria, C.-B.

André Paul

Fondation IISAAK OLAM

Coordonnatrice de la recherche et de l'engagement

Territoires W̱SÁNEĆ et Lekwungen, Victoria, C.-B.

Eli Enns, Andrew Paul

Étagères nues à l'épicerie. Une ruée nationale sur le papier toilette. Des entreprises fermées, des millions de Canadiens licenciés et un programme d'aide publique massif et sans précédent annoncé par le gouvernement fédéral.

Vraiment, c'est un moment remarquable dans l'histoire.

Nous reconnaissons que les gens souffrent et que les gens ont peur. La pandémie de COVID-19 continue d'apporter des souffrances et de grands bouleversements dans le monde, en particulier dans les communautés défavorisées qui n'ont pas accès aux soins de santé universels, à l'eau potable et à d'autres nécessités de la vie que beaucoup de Canadiens tiennent pour acquis.

La société a également beaucoup à apprendre des peuples autochtones en ce moment.

Le COVID-19 affecte tout le monde. Les gens au Canada et partout dans le monde font face à des changements drastiques dans leurs routines quotidiennes. La crise actuelle nous invite, en tant que Canadiens et citoyens du monde, à réfléchir sur les systèmes sociaux et économiques que nous avons trop souvent tenus pour acquis et à nous poser collectivement quelques questions fondamentales :

– Pourquoi nos systèmes sociaux et économiques sont-ils structurés comme ils le sont ?
– Quels intérêts ces systèmes servent-ils ?
– Quelles sont les alternatives ?

Le COVID-19 expose la vulnérabilité et le manque de résilience du système économique mondial actuel. Au Canada, notre économie de base dépend depuis longtemps de l'extraction des ressources brutes et des circuits commerciaux mondiaux pour fournir les nécessités de la vie, comme la nourriture. À quelques moments de l'histoire récente, cette dépendance est apparue si fragile. On nous rappelle que nous ne pouvons pas manger du bois, du pétrole, du gaz naturel ou la myriade de minéraux qui sont extraits au Canada. De plus, les pratiques industrielles ont fragmenté et dégradé les écosystèmes naturels partout au Canada, qui ont été protégés pour l'abondance par les peuples autochtones pendant des générations. Même les pêcheries de saumon du Pacifique autrefois abondantes sont menacées par la pêche industrielle, les piscicultures à filet ouvert dans l'océan et la déforestation dans les bassins versants.

En tant que société, au Canada et dans le monde, nous sommes confrontés à un choix. Nous pouvons collectivement choisir d'injecter de l'argent et de l'énergie dans la consolidation de l'ancien système économique brisé, en renflouant les compagnies de combustibles fossiles, les compagnies aériennes et d'autres gros pollueurs, dans le but de « revenir à la normale ». Ce serait une tragédie et une occasion manquée : la « normalité » nous a apporté la crise de la biodiversité, la crise climatique, les inégalités économiques, la pauvreté et la dépossession des terres des peuples autochtones.

Alternativement, nous pouvons saisir collectivement cette opportunité pour commencer à faire évoluer notre société vers de nouveaux modèles économiques qui favorisent la résilience, l'abondance et le bien-être des écosystèmes et des communautés humaines.

Un modèle qui ouvre la voie au Canada est celui des aires protégées et de conservation autochtones (APCA). Selon le Cercle d'experts autochtones pour la Voie vers l'objectif 1 du Canada, les APCA sont « les terres et les eaux où les gouvernements autochtones jouent le rôle principal dans la protection et la conservation des écosystèmes par le biais des lois, de la gouvernance et des systèmes de connaissances autochtones ». Reflétant la valeur autochtone de l'interconnexion entre les communautés humaines et toute forme de vie, les APCA sont également des modèles de développement communautaire durable et de planification des relations territoriales au niveau des bassins versants.

En tant que modèles de collaboration et de réconciliation dans le paysage, les IPCA sont particulièrement bien placées pour promouvoir une plus grande résilience face aux perturbations telles que la pandémie de COVID-19. Les IPCA incarnent les principes de l'espace éthique, s'appuyant sur le meilleur des connaissances autochtones et de la science occidentale pour développer des solutions durables et adaptées localement.

La COVID-19 n'est pas la première pandémie à laquelle les peuples autochtones du Canada sont confrontés. Après que les Européens ont posé le pied pour la première fois sur l'île de la Tortue, des vagues successives de variole, de grippe et d'autres maladies ont décimé environ 90 % de la population autochtone, une catastrophe démographique à l'échelle mondiale. L'expérience de la pandémie est intégrée dans les systèmes de connaissances autochtones. Sur le territoire de la nation Tla-o-qui-aht sur la côte ouest de l'île de Vancouver, le parc tribal Ha'uukmin protège une vallée cachée où, il y a cinq générations, les gens se sont réfugiés contre les ravages de la variole et d'autres maladies européennes. De nombreuses nations autochtones ont souligné la nécessité de protéger ces lieux de refuge au cas où les gens auraient besoin de se mettre à nouveau en quarantaine.

Cependant, les APCA font plus que simplement protéger ces lieux de refuge. Ils favorisent également les relations humaines avec ces lieux. Les IPCA sont sur le point de devenir des éléments fondamentaux des économies locales renouvelées basées sur la gestion de l'abondance et des aspects économiques essentiels : des choses comme l'eau potable, l'air pur et des aliments sains, réduisant la dépendance aux marchés mondiaux contrôlés par d'énormes sociétés transnationales. Contrairement à l'extraction des ressources industrielles, l'économie émergente de l'IPCA prévoit des avantages à long terme, non seulement pour la génération actuelle, mais pour les petits-enfants des petits-enfants.

En conclusion, la COVID-19 présente une occasion rare de faire le point sur nos systèmes sociaux et économiques. Nous pouvons choisir de devenir plus forts et de sortir de cette crise vers un avenir résilient éclairé par les valeurs holistiques de l'économie autochtone. Maintenant plus que jamais, le Canada a besoin d'un réseau bien connecté d'APCA gérées pour l'abondance qui offrent un refuge sûr et soutiennent des économies locales résilientes, en particulier l'économie essentielle dont dépendent les humains et toute vie : eau propre, air pur, nourriture propre.