Des simulations qui comblent le fossé entre la science et la politique : une simulation de politique sur la gouvernance de l'Arctique au CSPC 2020

Publié le: novembre 2020Catégories: Éditoriaux de la conférence 2020, Éditoriaux

Auteurs):

Nicole Arbor

Brendan Franck

Monica Gattinger

Timothée Giger

Lukasz Jarząbek

Piotr Magnuszweski

Nicole Arbour, Brendan Frank, Monica Gattinger, Timothy Giger, Lukasz Jarząbek, Piotr Magnuszweski

L'Institut international d'analyse appliquée des systèmes (IIASA), le Centre de solutions systémiques (CRS) et l'Institut des sciences, de la société et de la politique publique (ISSP) de l'Université d'Ottawa collaborent pour présenter un exercice de simulation de politiques lors de la Conférence sur les politiques scientifiques canadiennes de cette année. S'appuyant sur la simulation des risques climatiques en cascade de CRS développée pour le contexte européen, cette simulation se concentre sur l'avenir du commerce et de la gouvernance de l'Arctique à la lumière des impacts du changement climatique. Notre objectif est triple : favoriser la prise de conscience et la compréhension de cet enjeu important pour le Canada et les autres pays de l'Arctique, évaluer l'efficacité des simulations de politiques en tant qu'outil de formation et d'élaboration de politiques, et engager les participants au CPSC dans un nouveau moyen d'explorer les relations entre la science, la société et la politique. 

Qu'est-ce qu'une simulation de politique ? Pourquoi les simulations sont-elles une boîte à outils importante pour les décideurs scientifiques ? Comment fonctionnera notre simulation ? Nous répondons à ces questions ci-dessous et espérons que les participants de la CPSC se joindront à nous dans cette entreprise passionnante.

Les simulations politiques aident à rapprocher les chercheurs, les décideurs et la société dans le but de résoudre collectivement des problèmes complexes. De multiples écarts existent entre la science et les « utilisateurs de la science », y compris les décideurs politiques. En conséquence, les connaissances existantes ne sont pas appliquées aussi efficacement qu'elles pourraient l'être aux circonstances du monde réel. Beaucoup ont noté que les chercheurs sont souvent plus impliqués dans le processus et les résultats de leur recherche que dans la manière dont les utilisateurs finaux utiliseront ces informations. La recherche est souvent présentée dans des publications à comité de lecture, souvent écrites en utilisant une terminologie complexe qui n'est accessible qu'aux experts dans le domaine d'une manière qui n'est pas immédiatement évidente pour la communauté des décideurs. D'un autre côté, les décideurs n'utilisent pas toujours les informations scientifiques disponibles les plus appropriées pour prendre des décisions politiques, souvent en raison de contraintes de temps, mais aussi en raison de problèmes d'accessibilité. L'importance de combler ces lacunes et la valeur de faciliter la pratique de prise de décision fondée sur des données probantes sont bien documentées, ayant été spécifiquement soulignées dans le Cadre Sendai, et dans la communauté de recherche plus large.

Dans le même temps, les problèmes deviennent de plus en plus complexes, catalysés par les circonstances actuelles, notamment la pandémie mondiale en cours, l'urgence climatique en développement et l'évolution rapide du paysage économique, social et environnemental - dont beaucoup sont interconnectés. Cette complexité perçue peut être vue sous deux angles : technique et orienté vers les problèmes (complexité résultant des interactions entre les composants biophysiques, technologiques ou économiques « durs » d'un système), et orienté vers les personnes (complexité résultant de la interactions stratégiques entre les principaux acteurs de la scène politique). La multitude de problèmes réels et les tensions résultant des diverses façons dont les gens les abordent se combinent pour créer un environnement très incertain et ambigu qui empêche la planification collective des défis émergents.

Les simulations de politiques visent à combler le fossé entre la science et les utilisateurs de la science et à créer un environnement permettant de naviguer dans la complexité de manière significative. Ils offrent un outil prometteur pour relever les défis liés à la complexité, car ils intègrent à la fois des complexités axées sur les problèmes (techniques, physiques, économiques) et axées sur les personnes (relationnelles, sociales, psychologiques, éthiques). Dans ces circonstances, des problèmes complexes sont recréés sous forme de modèles simplifiés de systèmes complexes réels, par le biais de procédures et de pratiques convenues. De cette manière, les concepteurs de simulation peuvent représenter de manière procédurale les aspects clés de problèmes complexes du monde réel. Les participants peuvent alors exploiter activement l'environnement simulé pour expérimenter ces processus en action. L'aspect multi-acteurs de la complexité est pris en compte, car les participants adoptent des rôles et interagissent avec de nombreuses personnes d'horizons et de valeurs différents. De cette manière, les participants apprennent non seulement à fixer des objectifs collectifs et à collaborer pour les atteindre, mais aussi à faire preuve d'empathie envers les autres, à comprendre leurs points de vue et à négocier un consensus. 

Les simulations de politiques favorisent la collaboration entre les parties prenantes et les scientifiques en offrant des opportunités d'analyser comment les problèmes émergent dans des systèmes complexes et où les points d'intervention et de discorde peuvent se situer. Les activités de simulation de politiques créent de la place pour une rétroaction instantanée et une autoréflexion, elles remettent en question les modèles mentaux sur lesquels les décisions sont fondées et elles permettent un apprentissage en double boucle, menant à une meilleure compréhension et à une planification future. La flexibilité est une caractéristique importante des simulations, permettant l'intégration d'une variété de méthodes - littéralement "tout ce qui est utile" - du domaine dans lequel elle est appliquée.

La simulation des impacts climatiques en cascade est une expérience narrative qui amène les participants dans un futur proche (entre 2027 et 2035). Les participants assument le rôle de représentants de divers pays et organisations responsables de la sécurité et du bien-être dans le monde. Dans ces rôles, ils discutent et réagissent à l'actualité sur une plateforme en ligne. Ils sont confrontés à un scénario d'événements dramatiques causés par la crise climatique, qui part d'une crise agricole mondiale entraînant des perturbations du commerce et de la chaîne d'approvisionnement. Les participants sont invités à des groupes de travail où il leur est demandé de donner leur avis sur quelques propositions pour contrer les crises émergentes.

Le concept original de cette simulation a été développé et mis en œuvre pour la première fois dans le cadre du projet CASCADES, financé par le programme européen Horizon 2020. Le projet vise à identifier comment les risques de changement climatique auxquels sont confrontés les pays, les économies et les peuples extérieurs à l'Europe pourraient se répercuter sur l'Europe. La dernière version de la simulation Cascading Climate Risks – Arctic Future Simulation – se concentre sur l'Arctique – une région géographique très pertinente pour le Canada – et les conséquences des changements climatiques sur la politique de la région. Avec l'apparition de nouvelles menaces et opportunités et la pression des acteurs politiques du monde entier, les représentants des pays et organisations concernés (participants au scénario) délibéreront sur les orientations possibles des futures politiques arctiques. Leurs discussions et négociations sont éclairées par les contributions du (fictif) Arctic Science Network qui participe activement au processus. Ensemble, tous les acteurs travaillent à l'élaboration d'un traité arctique qui façonnera l'avenir de la région polaire.

Avec cette simulation de politique, l'Institut international d'analyse des systèmes appliqués), le Centre de solutions systémiques et l'Institut des sciences, de la société et de la politique publique d'Ottawa collaborent pour offrir un exercice engageant, immersif et pertinent au contexte à la CSPC 2020. Les systèmes axés sur les politiques de l'IIASA la recherche analytique se concentre sur des problèmes trop vastes ou trop complexes pour être résolus par un seul pays ou une seule discipline universitaire. CRS améliore le courtage de connaissances, l'intégration science-politique et le dialogue social grâce à des méthodes et des outils système innovants, tels que des simulations politiques. La recherche interdisciplinaire de l'ISSP recoupe la politique scientifique, la politique scientifique et la gouvernance des technologies émergentes, et fournit une base idéale du contexte et de l'expertise canadiens pour un public canadien de politique scientifique. Une simulation basée sur les cascades climatiques dans l'Arctique se situe à la confluence de nos mandats et fournit une activité de formation, de développement et de sensibilisation unique et précieuse. 

Les simulations de politiques sont un outil puissant pour réfléchir à des problèmes complexes sans réponses faciles. Cela oblige les participants à prendre en considération les points de vue de diverses parties prenantes, tout en devant prendre des décisions difficiles qui pèsent les compromis entre les différents intrants et envisagent les conséquences collatérales possibles. La gouvernance dans un Arctique en évolution rapide est un défi permanent pour le Canada, les peuples autochtones, ses alliés et ses adversaires. Avec cette simulation, nous espérons faciliter un dialogue, aider à mieux comprendre les écarts entre les chercheurs et les utilisateurs de la recherche, et la meilleure façon de les combler vers l'élaboration de politiques efficaces fondées sur des données probantes. Nous espérons que vous vous joindrez à nous pour cette session novatrice au CPSC de cette année et nous nous réjouissons de vous y voir !

Références

Le Cascading Climate Impacts a été développé dans le cadre de CASCADES : Cascading Climate Risks Towards Adaptive and Resilient European Societies, financé par le programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne dans le cadre de la convention de subvention n° 821010.

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