Investir dans les écosystèmes et les infrastructures vertes : la voie à suivre pour la reprise post-COVID-19

Auteurs):

Sebastien Goupil

Secrétaire général de la Commission canadienne pour l'UNESCO

Liette Vasseur

Chaire UNESCO sur la durabilité des communautés : du local au global

Président de la Commission canadienne pour l'UNESCO

Sébastien GoupilLiette Vasseur

La crise du COVID-19 occupe désormais – à juste titre – la quasi-totalité de nos espaces mentaux et médiatiques. Pour se protéger du virus, l'isolement et l'arrêt complet des activités économiques «non essentielles» contribuent à d'autres inquiétudes, notamment celles liées à la reprise des économies et du commerce international. Face à l'ampleur de la crise, le G20 s'est dit prêt à injecter plus de cinq mille milliards de dollars pour stimuler l'économie.

Pourtant, beaucoup espèrent que des leçons pourront être tirées de la situation actuelle pour repenser notre monde et jeter les bases d'une nouvelle approche du développement économique. Pourquoi ne pas considérer la priorisation de nos écosystèmes et de nos infrastructures vertes comme l'une des réponses collectives souhaitées et un héritage positif de cette crise mondiale ? Les États se voient offrir une opportunité historique : mettre la protection et la restauration des écosystèmes, la conservation de la biodiversité et le développement des infrastructures vertes au cœur de la stratégie de relance économique. Cet investissement améliorerait la résilience à long terme, la sécurité alimentaire et la santé de nos communautés.

Comme ce fut le cas lors de la crise financière de 2008, d'importants investissements sont attendus, notamment dans les infrastructures. Nous répéterons probablement la recette qui a balayé la dernière récession et favorisé la croissance qui a propulsé les marchés boursiers vers des sommets sans précédent. Cependant, la dernière décennie a également conduit à une expansion des modes de développement et de consommation qui a exacerbé les inégalités socio-économiques, ainsi que les changements climatiques et environnementaux. Notre prochaine approche de la reprise économique accélérera-t-elle le train qui entraînera l'humanité vers sa propre chute, nous plongeant dans des abîmes encore plus profonds ? La question mérite d'être posée car, malheureusement, les discussions autour de la crise climatique qui focalisaient une partie de l'attention mondiale et mobilisaient les jeunes du monde entier ont été balayées par la pandémie.

Des recherches sont en cours pour expliquer les causes du COVID-19. Certains évoquent un mécanisme de transmission de l'animal à l'homme, connu sous le nom de zoonoses. Ils sont responsables d'autres crises sanitaires majeures, dont le SRAS, le H1N1 et le virus Ebola. D'autres zoonoses, comme la maladie de Lyme et la fièvre Zika, semblent liées au changement climatique, à l'urbanisation et à la dégradation de nos écosystèmes. Plusieurs chercheurs pensent que la destruction et le pillage des écosystèmes, devenus systémiques dans certains pays, vont précipiter la crise climatique et augmenter le risque de futures pandémies. L'Organisation mondiale de la santé est sans équivoque : le changement climatique est la plus grande menace pour la santé humaine au 21e siècle.

Dans son livre Collapse, Jared Diamond nous rappelle que les problèmes environnementaux majeurs ont joué un rôle crucial dans la disparition des sociétés humaines à travers l'histoire. Il évoque les problèmes qui perturbent actuellement nos écosystèmes : déforestation, destruction des habitats, dégradation des sols, contamination des sources d'eau potable, surpêche, chasse excessive et introduction d'espèces envahissantes. Ces problèmes sont aggravés par nos modes de vie et nos modes de production, y compris les pratiques agricoles non durables qui sont répandues dans le monde entier. Depuis plusieurs décennies, les ressources non renouvelables de la terre ont également été exploitées de manière inconsidérée, et les milieux naturels ont été détruits au passage.

En cette période alarmante où la COVID-19 s'est immiscée dans nos vies, nous ne devons pas perdre de vue les enjeux liés à l'effondrement de la biodiversité et à la santé des écosystèmes qui sont essentiels à la survie des humains et des autres espèces. Les experts réunis dans le cadre de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques démontrent clairement que nous atteignons un point de non-retour. Pour paraphraser Greta Thunberg, revenir à la normale après le COVID-19 reviendrait à replonger tête baissée dans la crise climatique qui, d'ici 2050, promet des bouleversements économiques et sociétaux et des millions de réfugiés. Au moment où notre humanité est confrontée à l'un de ses plus grands défis, laisserons-nous une fois de plus notre destin collectif et celui des générations futures entre les mains d'un modèle économique néolibéral qui nécessite un approvisionnement sans fin en nouvelles infrastructures coûteuses et appelle à des ressources infinies et insoutenables La croissance du PIB?

L'ONU nous rappelle dans le préambule de sa résolution sur l'Agenda 2030 pour le développement durable que le progrès économique, social et technologique peut être réalisé en harmonie avec la nature. Nous semblons avoir là une opportunité historique : mettre les principes du développement durable au cœur des plans de relance économique pour réconcilier nature, société et culture.

Pour booster notre économie, misons, par exemple, sur des programmes d'investissement qui créeront des emplois décents et bien rémunérés pour la protection et la restauration des écosystèmes, la conservation de la biodiversité, et la création d'infrastructures vertes, y compris celles contribuant à la sécurité alimentaire. Avec les trillions annoncés, nous pouvons jeter les bases d'un nouveau "Environmental Marshall Plan" ou "Green New Deal". Cela nécessiterait cependant de faire des choix de société fondamentaux et d'accepter de changer nos modes de vie pour donner la priorité à la satisfaction des besoins fondamentaux de tous.

S'engager dans cette voie reviendrait à regarder au-delà du béton, du bitume et de l'acier pour considérer la multiplicité des milieux naturels indispensables à notre survie et au fragile équilibre qui a toujours existé entre l'homme et la nature. On en est venu à oublier les « biens et services » que les écosystèmes et la biodiversité nous fournissent tout au long de l'année, sur les plans physiologique, psychologique et culturel.

Les investissements doivent se concentrer sur la protection et la restauration de la vaste « infrastructure naturelle » représentée par les nombreux parcs et aires protégées terrestres et marines, y compris celles sous la gouvernance des peuples autochtones. Leur nombre doit être augmenté pour atteindre les objectifs de biodiversité post-2020. Tirons parti des nombreux sites désignés par l'UNESCO, tels que les réserves de biosphère, les géoparcs mondiaux et les sites du patrimoine mondial. Ils servent déjà à protéger des écosystèmes uniques et à mobiliser les acteurs locaux et régionaux, y compris ceux des secteurs de l'éducation et de la recherche, pour faire avancer les objectifs communs de conservation de la biodiversité et de développement durable. Concentrons-nous enfin sur la protection, la revitalisation et la réintégration des milieux naturels en milieu urbain, en nous appuyant sur les idées et les talents de nos architectes, designers et constructeurs.

Il est très difficile pour les êtres humains d'apprendre de l'histoire. Il en va probablement de même pour cette crise du COVID-19, dont on se souviendra longtemps. Imaginons un instant que nous soyons tous d'accord pour orienter une partie des investissements vers les écosystèmes et les infrastructures vertes. Cela garantirait non seulement à nos économies et à nos collectivités de bien meilleurs retours sur investissement, mais cela renforcerait aussi notre autosuffisance et notre résilience sur le long terme. Il s'agirait surtout d'une manière ambitieuse et visionnaire de changer le cours de l'histoire humaine encore à écrire de la lutte contre les changements climatiques, tout en sauvegardant, selon l'invitation traditionnelle de nombreux peuples autochtones, les intérêts des sept générations qui, espérons-le, nous survivront.

Investir dans les écosystèmes et les infrastructures vertes : une voie à suivre pour la relance après le COVID-19

La crise du COVID-19 occupe présentement et à juste titre tout notre espace mental et médiatique. Pour se protéger du virus, l'isolement et l'arrêt complet des activités économiques jugées non essentielles contribuent à alimenter d'autres inquiétudes, dont celles liées à l'éventuelle relance des économies et du commerce international. Devant l'ampleur de la crise, le G20 s'est dit prêt à injecter plus de 5000 milliards de dollars pour stimuler l'économie.

Cependant, nombreuses sont les personnes qui espèrent qu'on tirera des enseignements de la crise actuelle pour repenser notre monde et jeter les bases d'une nouvelle approche en matière de développement économique. Pourquoi ne pas penser à prioriser nos écosystèmes et les infrastructures vertes comme une des réponses collectives requises et un jambes positives de cette crise mondiale ? Les États ont une occasion historique à saisir : mettre la protection et la restauration des écosystèmes, la conservation de la biodiversité et le développement des infrastructures vertes au cœur de la stratégie de relance économique. Ce serait investir pour renforcer à long terme la résilience, la sécurité alimentaire et la santé de nos communautés.

Comme ce fut le cas pour juguler la crise économique de 2008, on s'attend à des investissements d'envergure, en particulier dans les infrastructures. On pense répéter la recette qui avait permis de balayer la dernière régression et de favoriser une croissance ayant propulsé les marchés boursiers vers des sommets inédits. Une décennie au cours de laquelle nous avons vu une multiplication des modes de développement et de consommation qui ont accentué les inégalités socio-économiques et sont responsables des changements climatiques et environnementaux. Sommes-nous sur le point d'accélérer le train qui a entraîné notre humanité vers sa propre perte en nous plongeant dans des abîmes encore plus profonds ? La question mérite d'être posée car, malheureusement, les discussions autour de la crise du climat qui focalisaient une partie de l'attention planétaire et mobilisaient les jeunes des quatre coins du monde ont été balayées par la pandémie.

Des recherches sont en cours pour expliquer les causes de la COVID-19. Certaines pointent vers un mécanisme de transmission de l'animal à l'humain, les zoonoses. Elles sont responsables d'autres grandes crises sanitaires. Qu'on pense au SRAS, au H1N1 ou au virus Ebola. D'autres zoonoses, comme la maladie de Lyme et la fièvre Zika, semblent être liées aux changements climatiques, à l'urbanisation et à la dégradation de nos écosystèmes. Plusieurs chercheurs ont estimé que la destruction et le pillage des écosystèmes, devenus systématiques dans certains pays, vont précipiter la crise du climat en plus d'augmenter les risques de futures pandémies. L'Organisation mondiale de la santé est d'ailleurs sans équivoque : les changements climatiques constituant en ce XXIe siècle la menace la plus importante pour la santé humaine.

Dans son essai Effondrement, Jared Diamond nous rappelle qu'au cours de l'histoire, les grands problèmes environnementaux ont joué un rôle majeur dans la disparition des sociétés humaines. Il évoque des enjeux qui bouleversent présentement nos écosystèmes, à savoir la déforestation, la destruction des habitats, la dégradation des sols, la contamination des sources d'eau potable, la surpêche, la chasse excessive ainsi que l'introduction d'espèces envahissantes. Ces problèmes sont aggravés par nos modes de vie et de production, notamment des pratiques agricoles non durables généralisées à travers le globe. Depuis plusieurs décennies, on exploite aussi de façon inconsidérée les ressources non renouvelables de la Terre en détruisant au passage des milieux naturels.

À l'heure où l'anxiogène COVID-19 s'est immiscé dans nos vies, il ne faut donc pas perdre de vue les enjeux liés à l'effondrement de la biodiversité et de la santé des écosystèmes qui sont essentiels pour la survie des humains et des autres espèces. Comme le démontre les travaux des experts réunis dans le cadre de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, nous sommes en voie d'atteindre un point de non-retour. Pour paraphraser Greta Thunberg, retourner à la normale après la COVID-19, c'est replonger tête première dans la crise climatique qui, à l'horizon 2050, promet son lot de bouleversements et des réfugiés par millions. À l'heure où notre humanité est confrontée à l'un de ses plus grands défis, laissantons-nous une fois de plus notre destin collectif et celui des générations futures aux mains d'un modèle économique néolibéral qui exige plus d'infrastructures nécessaires et une croissance infinie et non durable de nos PIB ?

Les Nations Unies nous rappellent dans le préambule de leur résolution sur le Programme de développement durable à l'horizon 2030 que le progrès économique, social et technologique peut se faire en harmonie avec la nature. Il semble que nous ayons ici une occasion historique à saisir : mettre les principes du développement durable au cœur des mesures de stimulation économique pour réconcilier nature, société et culture.
Pour relancer notre économie, misons par exemple sur des programmes d'investissements qui créentont des emplois décents et bien rémunérés dans la protection et la restauration des écosystèmes, la conservation de la biodiversité et la création d'infrastructures vertes, y compris celles assurant notre sécurité alimentaire. Avec les milliers de milliards annoncés, on peut jeter les bases d'un nouveau plan Marshall environnemental ou pacte vert. Ceci exigeait cependant qu'on fasse des choix fondamentaux sur le plan sociétal et qu'on accepte de changer nos styles de vie pour prioriser la satisfaction des besoins de base pour toutes et tous.

Avancer dans cette direction exigeait de voir au-delà du béton, du bitume et de l'acier pour considérer cette multiplicité de milieux naturels qui sont essentiels à notre survie et à ce fragile équilibre qui a toujours existé entre l'humain et la nature. On en est venu à oublier les biens et les services que les écosystèmes et la biodiversité nous procurant tout au long de l'année, tant sur le plan physiologique, psychologique que culturel.

Les investissements doivent cibler la protection et la restauration de ces vastes infrastructures naturelles qui représentent les nombreux parcs et les aires terrestres et marines protégées, y compris celles sous la gouvernance des Peuples autochtones. On doit augmenter justement leur nombre pour connaître les objectifs pour la biodiversité au-delà de l'horizon 2020. Mettons à contribution les nombreux sites désignés par l'UNESCO, tels les réserves de biosphère, les géoparcs mondiaux et les sites du patrimoine mondial. Ils servent déjà à protéger des écosystèmes uniques et à mobiliser les acteurs locaux et régionaux, y compris ceux des secteurs de l'éducation et de la recherche, pour faire avancer des objectifs communs en matière de conservation de la biodiversité et de développement durable. Misons enfin sur la protection, la revitalisation et la réintégration de milieux naturels dans les zones urbaines, en mettant à profit les idées et le talent de nos architectes, de nos designers et de nos bâtisseurs.

Les êtres humains ont beaucoup de difficulté à tirer des leçons de l'histoire. Il y a fort à parier qu'il en sera de même pour cette crise du COVID-19, dont on risque de parler encore bien longtemps. Imaginons un moment qu'on s'entend pour diriger une partie des investissements vers les écosystèmes et les infrastructures vertes. Ce ne serait pas seulement garantir à nos économies et à nos communautés de bien meilleurs rendements sur l'investissement, en misant sur le renforcement de notre autonomie et notre capacité de résilience à long terme. Ce serait surtout une façon ambitieuse et visionnaire d'infléchir le cours de cette histoire humaine qui reste à écrire sur le plan de la lutte contre les changements climatiques et penser, comme nous y invitent de nombreux Peuples autochtones, aux intérêts des sept générations qui, prouver-le, nous survivrons.