La loi sur le cannabis : un compromis utilitaire

Publié le: août 2018Catégories: Loi sur le cannabis (C-45), Éditoriaux

Auteurs):

Dr Yuna Kim

Emploi et services sociaux de Toronto

Consultant en politiques et recherche

Dr Shaun P. Young

Centre de York pour la politique publique et le droit

Senior Fellow

Dr Yuna Kim et Shaun P. Young

Projet de loi C-45 – le Loi sur le cannabis – a reçu la sanction royale le 21 juin 2018 et, à compter du 17 octobre 2018, l'usage récréatif du cannabis sera légal au Canada. Une grande partie du débat – au Canada et ailleurs – entourant la légalisation du cannabis a impliqué des arguments animés par une approche philosophiquement libérale de la question, la présentant comme une question qui concerne la liberté individuelle. L'affirmation est que les adultes (c'est-à-dire ceux qui ont atteint « l'âge légal de la majorité » et qui ne souffrent d'aucune condition cognitive ou juridique disqualifiante) devraient avoir la liberté d'acheter, de posséder et d'utiliser à des fins récréatives du cannabis légalement, de la même manière qu'ils peut l'alcool et les produits du tabac, par exemple.

Les opposants à la légalisation ou à la décriminalisation du cannabis soutiennent fréquemment qu'une telle politique n'est pas souhaitable pour un certain nombre de raisons, notamment l'impact néfaste sur la santé cognitive des jeunes qui consomment régulièrement du cannabis, son rôle de drogue « passerelle » et le lien entre sa vente/utilisation et ses activités criminelles. On observe aussi souvent qu'il est assez courant – et opportun – que les gouvernements limitent la liberté individuelle, en imposant des restrictions à certains types de comportement et en contrôlant l'accès à diverses substances susceptibles de générer directement ou indirectement des conséquences indésirables pour les individus, notamment « mineurs ». Essentiellement, les opposants soutiennent donc que, dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques, il est souhaitable et légitime pour le gouvernement d'interdire la vente, la possession et l'utilisation de cannabis à des fins récréatives.

Alors, est-ce que le Loi sur le cannabis représentent une exaltation de la liberté individuelle au détriment de la santé et de la sécurité publiques ?

Alors que « l'esprit » de la Loi incarne nécessairement (dans une certaine mesure) une approche philosophiquement libérale de l'usage récréatif du cannabis, la « lettre de la loi » semble être animée principalement par un souci de santé et de sécurité publiques. Les objectifs déclarés de la loi sont « d'empêcher les jeunes d'accéder au cannabis, de protéger la santé publique et la sécurité publique en établissant des exigences strictes en matière de sécurité et de qualité des produits et de dissuader les activités criminelles en imposant de graves sanctions pénales à ceux qui opèrent en dehors du cadre légal. La Loi vise également à réduire le fardeau du système de justice pénale en matière de cannabis » (Gouvernement du Canada, 2018).

Ce libellé suggère que, bien que le désir de permettre une plus grande liberté individuelle puisse animer l'esprit de la loi, ce n'est manifestement pas la seule ou même la principale considération animant le contenu de la loi. Le contenu de la Loi reflète plutôt une approche particulièrement utilitaire de la légalisation de l'usage récréatif du cannabis.

L'argument utilitaire défend les avantages pratiques et monétaires de la légalisation de l'usage récréatif du cannabis, y compris le potentiel de contrôle de la qualité des produits, la diminution de la criminalité et l'augmentation des recettes fiscales. Les utilitaristes affirment que la légalisation de l'usage récréatif du cannabis générera des avantages importants pour la société grâce à des économies considérables grâce à la réduction des coûts de police et de prison, tandis que les recettes fiscales de la vente de cannabis généreront potentiellement des milliards de dollars par an qui pourront être réinvestis dans des programmes publics qui profitent tous les Canadiens.

Mais, malgré l'orientation différente et, à son tour, la justification de la légalisation de l'usage récréatif du cannabis, une approche utilitariste et, plus précisément, les objectifs déclarés de la loi, ne sont pas incompatibles avec le type de liberté individuelle prôné par le libéralisme philosophique. En effet, l'un des plus célèbres partisans de la liberté individuelle, John Stuart Mill, a reconnu la légitimité des gouvernements (et de la société) qui restreignent la liberté des individus lorsque leur comportement causera du tort à autrui - ce qui est devenu le « principe du préjudice » de Mill. .

En dernière analyse, au lieu de sacrifier la santé et la sécurité publiques sur l'autel de la liberté individuelle, sans doute, le Loi sur le cannabis représente un équilibre raisonnable entre la poursuite des objectifs du libéralisme philosophique et la réponse aux préoccupations des opposants à la légalisation de l'usage récréatif du cannabis. Et dans une société caractérisée par une diversité de valeurs et de croyances concurrentes et parfois contradictoires et incommensurables qui cherchent toutes à être représentées dans les politiques publiques, un tel compromis est quelque chose qui devrait être applaudi.
 

Sources citées
Gouvernement du Canada (2018). Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d'autres lois. Ottawa : Gouvernement du Canada. http://www.parl.ca/DocumentViewer/en/42-1/bill/C-45/royal-assent.