L'analyse causale est essentielle pour lier la science à la politique de gestion des ressources naturelles du Canada

Publié le: novembre 2022Catégories: Éditoriaux de la conférence 2022, Éditoriaux

Auteurs):

Steve Wilson

Recherche Ecologique

Directeur

photo d'un homme blanc avec des lunettes.

Le Canada demeure l'une des principales économies de ressources au monde, mais la conservation continue de s'élever dans la hiérarchie des besoins du pays, poussée régulièrement par les vents arrière du changement climatique, la perte de biodiversité, les inondations et les incendies. Le monde est plus peuplé, plus exigeant et plus polarisé, et il y a moins de place que jamais pour de simples interventions politiques pour relever les défis complexes présentés par des écosystèmes en évolution rapide. Les politiques censées atténuer les conséquences négatives des changements environnementaux doivent supposer des relations de cause à effet entre les interventions politiques et les résultats politiques.

En même temps, la recherche liée aux questions de conservation au Canada est générée à un rythme étonnant, par des départements et des groupes de recherche spécialisés dans la plupart des universités du pays, ainsi que par l'industrie, le gouvernement et des organisations environnementales non gouvernementales. Malgré cet effort dévoué, l'inférence de cause à effet dans la science de la conservation reste largement limitée par des preuves corrélationnelles, car les expériences randomisées et contrôlées, l'"étalon-or" pour établir la cause et l'effet, sont généralement irréalisables sur des paysages à usages multiples à de grandes échelles spatio-temporelles. . Il existe également des préoccupations éthiques liées à la manipulation délibérée de systèmes dont dépendent des espèces déjà en déclin ou dont dépendent des communautés autochtones. Ainsi, que cela nous plaise ou non, nous sommes confrontés au défi de recommander des interventions politiques, en supposant un effet de cause à effet, sur la base d'un corpus de données largement corrélationnelles.

Cela peut être une affaire délicate. Comme l'a souligné l'économiste Thomas Sowell, « L'une des premières choses enseignées dans les manuels d'introduction à la statistique est que la corrélation n'est pas la causalité. C'est aussi l'une des premières choses oubliées. Un examen rapide de la littérature sur la conservation et de son interprétation dans les cercles politiques suggère certainement que la démonstration de la corrélation est suffisante pour justifier des recommandations d'interventions, telles que la restauration de l'habitat pour inverser le déclin du caribou ou la fermeture de routes pour augmenter les populations d'orignaux ou de grizzlis. Les corrélations peuvent contenir des informations causales, mais la corrélation seule n'est pas assez bonne pour générer les recommandations de gestion les plus susceptibles d'aboutir aux résultats politiques souhaités.

L'écologie, discipline fondamentale de la science de la conservation, n'est pas le seul domaine confronté à ce problème central. De nombreuses recherches épidémiologiques reposent sur des ensembles de données longitudinaux, tout comme l'économétrie. Comme la santé ou la politique économique, la politique de conservation doit pousser des systèmes complexes pour générer des résultats bénéfiques et éviter les conséquences imprévues, en utilisant des interventions qu'il est possible de mettre en œuvre à un coût raisonnable. Les préoccupations écologiques jouant encore souvent le second rôle par rapport à d'autres valeurs, les ressources sont rares et la conservation peut le moins se permettre de se tromper de cause à effet.

L'inférence causale comprend un ensemble de méthodes que les chercheurs utilisent pour aider à distinguer la causalité de la simple corrélation lorsque les preuves corrélationnelles sont les seules disponibles. L'estimation des informations causales à partir de preuves corrélationnelles commence par l'encodage d'hypothèses sur un processus de génération de données dans un graphique de nœuds (variables) et d'arêtes dirigées (flèches qui indiquent la direction causale supposée). Un graphique causal doit contenir une intervention et un résultat, ainsi que toutes les causes communes des deux. Sur la base d'un ensemble de règles d'identification, les voies causales peuvent être isolées et, lorsqu'elles sont paramétrées avec des données d'observation, les tailles d'effet peuvent être estimées.

La mise en garde est que les «vrais» effets causals ne peuvent être estimés que lorsque le «vrai» graphique est connu, ce qui est rarement le cas. Cependant, le processus de génération et de défense d'un graphe plausible basé sur la théorie encadre explicitement ce qui doit être vrai pour que l'hypothèse d'un effet causal soit valable. De meilleures informations peuvent éclairer les révisions du graphique et des paramètres.

Fait important, cette approche peut contribuer positivement aux efforts de réconciliation du Canada avec les peuples autochtones, alors que nous nous efforçons d'intégrer les connaissances autochtones de manière significative dans les efforts de conservation. La théorie encodée dans les graphes causaux n'a pas besoin de provenir de sources exclusivement scientifiques. La relation de cause à effet est un concept interculturel intuitif et les modèles peuvent être basés sur de nombreuses preuves et expériences tout en conservant la rigueur. Sans les hypothèses théoriques fournies par les chercheurs et/ou les détenteurs de connaissances, comme c'est le cas pour les approches corrélationnelles, il est plus difficile d'inférer de manière fiable les causes et les effets.

La modélisation explicite des causes déplace l'équilibre de l'analyse vers le théorique du purement statistique. Alors que les modèles de « mégadonnées » et d'apprentissage automatique connaissent des succès remarquables avec des algorithmes sophistiqués d'appariement de modèles, ils n'encodent pas les informations causales nécessaires pour permettre le raisonnement sur les causes et les effets et, par conséquent, ont une utilité limitée pour estimer les avantages des nouvelles interventions politiques. .

Les mesures proposées pour restaurer et maintenir la biodiversité du Canada deviennent à la fois plus envahissantes (p. ex. contrôle extensif des loups) et plus coûteuses (p. ex. restauration de vastes zones d'habitat) et, par conséquent, se tromper dans les prescriptions est maintenant plus important que jamais. Une politique fondée sur des données probantes visant à équilibrer les intérêts économiques, la réconciliation et la conservation de la biodiversité doit respecter une norme plus élevée lorsque les recommandations sont fondées principalement sur des preuves corrélationnelles. Cette norme plus élevée devrait inclure le développement et la défense solide de structures causales hypothétiques et l'efficacité estimée des interventions politiques proposées. L'inférence causale fournit le cadre nécessaire pour répondre à cette norme plus élevée.

Pour en savoir plus sur l'inférence causale et son application à la conservation du caribou au Canada : https://doi.org/10.1016/j.biocon.2021.109370