L'exclusion des minorités, une honte pour l'humanité à l'ère de l'IA.
Auteurs):
Christian E. Maldonado-Sifuentes
Centre de recherche en informatique de l'Instituto Politécnico Nacional México
Doctorant
Dans un monde où l'intelligence artificielle a tellement progressé, si vite, aucun humain ne devrait être exclu pour ne pas parler une langue dominante. À ce jour, la plupart des progrès de la recherche sur les langues de l'IA ont été réalisés pour une poignée de langues dominantes, excluant - presque complètement - les milliers de langues minoritaires et menacées du monde, ce qui aggrave encore la fracture numérique à un rythme toujours plus rapide.
Il ne s'agit pas d'une tirade contre l'insensibilité et la distance des élites de la recherche ou du gouvernement. C'est un sérieux appel à l'action, car la recherche en Intelligence Artificielle ne gravitera pas naturellement vers l'inclusion des minorités. Il y a de nombreuses raisons à cela, et je vais essayer de les aborder de manière succincte mais exhaustive dans cet article.
Premièrement, le plus grand obstacle technologique : les techniques d'IA modernes ont tendance à mieux fonctionner avec des ensembles de données massifs, presque incompréhensibles. Les grandes avancées qui ont été réalisées au cours des 20 dernières années de recherche sur l'IA sont venues, en grande partie, de l'avènement d'Internet et de ses énormes quantités de données. Ces données ont à leur tour permis à des algorithmes plus complexes d'apprendre des modèles de langage subtils. L'accès insuffisant (ou tardif) à ce média émergent pour les minorités linguistiques, soit par inégalité, soit par handicap, a empêché la production des mêmes volumes d'informations pour ces langues. Il existe de nombreuses solutions possibles, mais l'ingéniosité scientifique pourrait jouer un rôle important dans la recherche de moyens de faire fonctionner les techniques modernes avec des données plus petites. C'est à la fois un problème de recherche intéressant et nécessaire pour combler le fossé entre les langues dominantes et minoritaires.
Deuxièmement, les incitations pour la communauté scientifique et même leur viabilité dépendent de critères d'évaluation qui découragent la recherche pour de bonnes causes. Dans le domaine de l'informatique, mais surtout dans la recherche sur l'IA, la plupart des travaux tentent de "battre les performances de l'état de l'art". Bien que cela affecte la façon dont la recherche sur l'IA est effectuée en général, cela est particulièrement nocif pour la recherche qui pourrait avoir un impact social mais n'aura pas de fruits immédiats. La plupart des chercheurs, des groupes de recherche et même des institutions cherchent à être compétitifs dans leur domaine plutôt que de risquer de perdre leur financement. La créativité est nécessaire de la part des décideurs politiques pour concevoir des méthodes qui préservent la compétitivité et la productivité, mais réduisent également le risque que les chercheurs doivent prendre en essayant de s'attaquer à ces problèmes sociaux.
Enfin, il y a beaucoup de travail qui a déjà été avancé par les sciences sociales et humaines en ce qui a trait à l'inclusion des minorités linguistiques. Ces disciplines sont autorisées – et peut-être même récompensées – à présenter des œuvres à impact social. Pourtant, la plupart de ces études et développements sont réalisés avec des techniques technologiquement dépassées. De même, la plupart des travaux ont tendance à être dispersés dans la nature avec peu de chances de produire les données facilement consommables et vastes auxquelles aspirent les chercheurs en IA. Les scientifiques et les décideurs politiques sont nécessaires pour faire ressortir le meilleur d'eux-mêmes et promouvoir des moyens de collaboration entre la communauté de l'IA et la communauté des disciplines sociales. Des outils qui favorisent le travail des chercheurs en sciences sociales peuvent être développés par le côté technologique de l'allée, ce qui à son tour pourrait faciliter la création de grands référentiels qui permettraient la recherche, les applications et les innovations sur les langues minoritaires de l'IA. Ces efforts doivent être encouragés par une politique saine et décisive qui donne aux scientifiques les moyens de développer des travaux transdisciplinaires.
Nous avons déjà quelques exemples dans d'autres domaines où le développement technologique est encouragé dans une certaine mesure, comme les énergies renouvelables ou les villes intelligentes. Si ces défis sont plus urgents en raison de l'impact qu'ils pourraient avoir sur la protection de l'environnement et de l'économie, l'impact social et économique de l'inclusion n'est en aucun cas négligeable. Une société complètement connectée où la barrière linguistique appartient au passé créerait un effet en cascade qui diminuerait l'exclusion, la discrimination, l'ostracisme et l'aliénation des minorités. Cela élargit à son tour l'univers de la main-d'œuvre et des consommateurs et a également le potentiel de stimuler l'économie.
L'inclusion des minorités n'est pas seulement un impératif moral, mais un avantage pour la société dans son ensemble.