La promesse de la science et ses implications pour la politique scientifique canadienne
Auteur:
MA Lemay
La « promesse de la science » consiste à envisager des avenirs possibles à partir des progrès de la science et de la technologie. Nous nous attendons à ce que la science fournisse des solutions à des problèmes sociaux complexes et insolubles et fournisse des avantages socio-économiques qui mènent à la prospérité. Elle est le moteur des décisions d'investir des ressources publiques importantes dans la recherche et l'innovation.
La science a beaucoup apporté à la société et à l'humanité et continue de le faire. Compte tenu du succès passé de la science dans sa contribution au progrès social et à la prospérité, notre foi dans la promesse de la science semble bien fondée. Pourtant, la science n'a pas non plus répondu à nos attentes, contribuant à de nombreux défis sociaux qu'elle est désormais censée résoudre. C'est le paradoxe de la promesse de la science. Le paradoxe de la promesse de la science peut être vu dans les conséquences inattendues et imprévues associées aux progrès de la science et de la technologie, telles que la contamination de l'environnement, le changement climatique et les effets indésirables des médicaments. Dans le contexte canadien, le paradoxe de la promesse de la science se reflète dans un siècle d'examens récurrents des politiques scientifiques qui mettent en évidence les défis continus de la gestion des résultats de la science pour résoudre les problèmes sociaux, atteindre les objectifs des politiques nationales et réaliser des avantages socio-économiques. (c.-à-d. Comité spécial de la Chambre des communes sur la recherche scientifique, 1919; Commission royale sur l'organisation du gouvernement, 1963; Vers une politique scientifique nationale pour le Canada, 1968; Comité spécial du Sénat sur la politique scientifique, 1977; Vers l'avenir : La politique des sciences et de la technologie au Canada , 1992 ; Réaliser le potentiel des sciences et de la technologie au profit du Canada., 2007 ; État de la nation 2010 – Le système canadien des sciences, de la technologie et de l'innovation, 2011 ; Innovation Canada : Un appel à l'action - Examen du soutien fédéral à la recherche et au développement - Rapport du groupe d'experts , 2011 ; Groupe consultatif sur le soutien fédéral aux sciences fondamentales, 2017).
Les politiques scientifiques représentent les aspirations d'une nation à un avenir meilleur envisagé à travers la « promesse de la science ». Les décisions en matière de politique scientifique – comment allouer des ressources limitées à qui, pour quelle recherche et combien – consistent à choisir entre plusieurs futurs souhaitables. Au cours des dernières décennies, la politique scientifique est devenue un outil stratégique pour atteindre les objectifs de politique publique (par exemple, le développement économique, la création d'emplois, la durabilité environnementale, la sécurité alimentaire, le changement climatique et la santé publique). La promesse de la science joue un rôle clé dans l'élaboration et l'orientation des décisions et des résultats en matière de politique scientifique. En tant que puissant discours social, la promesse de la science façonne nos croyances, nos intérêts, nos façons de penser, nos priorités, nos identités et nos décisions. La « promesse de la science » ne fonctionne pas comme des prédictions précises et objectives de l'avenir, mais comme des visions convaincantes de l'avenir. Envisager l'avenir à travers la « promesse de la science » impose des décisions et des actions politiques dans le présent qui ont des impacts tangibles, comme la mobilisation de ressources, la coordination d'activités, la formation de réseaux, la transformation des cadres politiques et la modification de l'orientation de la recherche.
La promesse de la science a joué un rôle déterminant dans la croissance et le développement sociaux et économiques du Canada. Dès 1868, le gouvernement fédéral a reconnu l'importance de la science pour l'avenir du pays. Les efforts visant à mobiliser la science pour servir les objectifs de politique publique ont commencé en 1916 avec le Comité du Conseil privé sur la recherche scientifique et industrielle et le Comité consultatif honoraire, qui est finalement devenu le Conseil national de recherches. Au cours des 100 dernières années, les gouvernements du Canada ont adopté diverses approches en matière de politique scientifique, mais quelle que soit l'idéologie politique, il existe une hypothèse durable sous-jacente à la politique scientifique canadienne - la croyance en la science prometteuse pour le bien-être social et la prospérité économique du Canada. Parmi les exemples récents du pouvoir de la « promesse de la science » dans l'élaboration des décisions canadiennes en matière de politique scientifique, mentionnons les investissements dans la science « prometteuse », comme la création de Génome Canada en 2000 et 1.5 milliard de dollars pour la recherche en génomique au cours des 20 dernières années, le 1 milliard de dollars l'Initiative des supergrappes d'innovation, la refonte des programmes de financement de la recherche des trois conseils, l'introduction de nouveaux programmes de financement, tels que Nouvelles frontières en recherche et de nouvelles approches de financement de la recherche, telles que le Fonds stratégique pour la science proposé.
Malgré son omniprésence dans le discours social et politique, la communauté des sciences, de la recherche et de l'innovation est relativement inconsciente du pouvoir de la « promesse de la science » dans l'élaboration des décisions et des résultats politiques. Nous savons que les investissements dans la science sont importants pour notre avenir. Nous devons mieux comprendre le rôle de la promesse de la science et ses implications pour la politique scientifique afin de développer des politiques scientifiques capables de gérer plus efficacement la science au service de la société. Cette compréhension commence par la reconnaissance de l'incertitude des récits scientifiques prometteurs et la reconnaissance que ces récits du futur sont basés sur des promesses de "connaissances encore en cours", qui peuvent ne pas être à la hauteur de nos attentes ou que des futurs alternatifs peuvent émerger d'une science prometteuse. Au-delà de cela, nous devons examiner comment la promesse de la science est perçue au sein de la communauté scientifique, de la recherche et de l'innovation du Canada et comment elle devrait être gérée lorsque nous prenons des décisions en matière de politique scientifique.