La science au service du public : permettre une innovation percutante en améliorant l'accessibilité des médicaments

Publié le: mars 2019Catégories: Éditoriaux, Éditoriaux en vedette 2019

Auteur:

Erika Sirène, PhD

Erika
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Dans les nombreux domaines de la recherche scientifique, la seule constante qui unit la majorité des scientifiques est notre désir d'avoir un impact sur le monde qui nous entoure. Nous travaillons méticuleusement sur nos bancs et sur le terrain pour développer des solutions innovantes aux défis mondiaux. Nous supposons que si la science est solide, le reste sera pris en charge. Dans le contexte de la découverte de médicaments (mon propre domaine d'expertise), la voie à suivre est ardue mais claire : développer une biotechnologie révolutionnaire, la pousser jusqu'à la commercialisation, obtenir l'approbation réglementaire et l'accès au marché, traiter les patients, améliorer les soins de santé.

Ce processus est extrêmement simplifié, mais il a plus ou moins sonné vrai tout au long de l'histoire de l'approbation des médicaments. Cependant, l'émergence récente de thérapies avancées et les tentatives pour les faire passer par le processus de réglementation existant revient à essayer d'insérer une cheville carrée dans un trou rond. Bien que puissantes sur le plan thérapeutique, les thérapies avancées telles que les thérapies cellulaires, géniques et immunologiques sont coûteuses et nécessitent des schémas thérapeutiques complexes pour les patients. Alors que les thérapies avancées obtiennent l'approbation fédérale à travers le monde, on craint de plus en plus que ces modalités de traitement complexes ne provoquent une disparité dans la qualité des soins, favorisant ceux qui résident dans les zones urbaines. De plus, le prix élevé de ces thérapies (qui coûtent des centaines de milliers de dollars) obligerait les patients potentiels à se démener pour trouver une couverture dans des canaux de remboursement publics et privés déjà exaspérés. Pour ceux qui ont moins d'options de remboursement, l'accès à ces thérapies peut être limité même s'ils sont situés dans de grandes zones urbaines. Ces enjeux sont d'autant plus importants au Canada que les normes de soins de santé et les remboursements sont décidés au niveau provincial. Cela signifie que même si les patients ruraux pouvaient se rendre dans des hôpitaux plus grands, la province dans laquelle ils vivent peut être le facteur décisif entre pouvoir se permettre ou non une thérapie avancée.

Les scientifiques et les médecins ont travaillé sans relâche pour franchir les barrières scientifiques et générer des traitements révolutionnaires comme les thérapies cellulaires et géniques. La science et la technologie ne montrant aucun signe de ralentissement, il est impératif que les politiciens et les organismes de réglementation franchissent leurs propres barrières pour moderniser le système de santé du Canada. Ce n'est pas la première fois que des thérapies avancées tentent de s'intégrer aux soins de santé canadiens. Des thérapies prometteuses comme Prochymal, Provenge et Orkambi ont échoué en raison de problèmes de remboursement et d'un manque d'infrastructure de soutien. Bien que l'échec de ces thérapies ne soit pas dû uniquement à l'infrastructure et au remboursement, elles révèlent un écart non résolu entre l'innovation scientifique et la mise en œuvre.

Pour ceux qui participent activement au développement de thérapies avancées, le sentiment d'impuissance face à la fourniture de ces thérapies aux patients peut être décourageant. Les demandes de subventions et les présentations des étudiants diplômés sont jonchées de promesses que la science peut aider les gens, alors que beaucoup d'entre nous ignorent à quel point nous avons peu de pouvoir pour en faire une réalité. Pour mettre en œuvre le progrès scientifique dans la société, les scientifiques dépendent des décideurs politiques et des politiciens pour connecter l'innovation au peuple.

Ce mois-ci, Bill Morneau a annoncé que le budget fédéral de 2019 allouera des fonds à la création d'une stratégie nationale visant à améliorer l'accès aux médicaments coûteux pour les maladies rares, en investissant jusqu'à 1 milliard de dollars canadiens sur deux ans à compter de l'exercice 2022-23. Ils ont également annoncé 35 millions de dollars pour le développement d'une agence nationale des médicaments pour aider à réduire le coût des médicaments sur ordonnance et éventuellement harmoniser la couverture des médicaments à travers le Canada. Comme de nombreuses thérapies cellulaires et géniques émergentes ciblent des maladies rares, il s'agit clairement d'un effort pour rattraper les progrès de la médecine et de la biotechnologie. De plus, une agence nationale du médicament bien conçue permettra au gouvernement d'acheter des médicaments en gros, une stratégie que d'autres pays ont utilisée pour négocier des prix plus bas pour les thérapies cellulaires ciblant le cancer. Ensemble, ces mesures pourraient constituer des étapes importantes pour garantir que les Canadiens de l'île de Vancouver à Bonavista aient un accès égal aux traitements que les scientifiques ont travaillé si dur pour développer.

Dans un monde où la partisanerie freine de plus en plus les progrès de la société, des mises en œuvre comme celles-ci montrent que ce changement est encore possible. Cette facette du budget fédéral de 2019 n'est peut-être pas aussi directement liée à la recherche que le financement universitaire; cependant, l'impact sur les scientifiques canadiens et l'innovation est substantiel. La science percutante ne s'arrête pas au banc et de nombreux obstacles doivent être surmontés pour que l'innovation se fasse sentir dans la société. Il reste cependant de nombreuses inconnues, et l'exécution de ces initiatives déterminera en fin de compte si les aspirations de l'Agence canadienne du médicament et de la stratégie nationale sur les maladies rares sont réalisées. De mon banc de laboratoire, je regarderai avec un optimisme prudent.