La synergie comme approche globale du Canada
Auteurs):
Éric Dion
Il est reconnu qu'aujourd'hui les managers n'attachent pas toujours de l'importance à des considérations qui semblent pourtant fondamentales à l'ère de la nouvelle gouvernance de nos administrations. En effet, face à une compétitivité mondiale accrue dans toutes ses dimensions, ce n'est pas seulement l'efficacité et l'efficience qui conduiront à l'excellence, mais aussi les considérations environnementales, d'équité et d'éthique, ainsi que l'énergie d'un bout à l'autre. Bref, il est donc devenu essentiel d'avoir des effets de levier à plus forte valeur ajoutée ou, en d'autres termes, une « synergie d'action ». C'est le cas de la plupart des entités, administrations publiques comme privées. Mais qu'en est-il de la synergie ? Comment le définir et surtout, comment le gérer et l'entretenir délibérément ?
Le mot synergie est un terme que nous entendons de plus en plus. Il est communément admis qu'il y a synergie lorsque « La somme est supérieure à ses parties ». Le problème est que nous nous limitons souvent à cette simple expression sans définir les parties. Pour moi, la synergie est l'effet combiné dynamique de la stratégie, ainsi que d'une structure et d'un système prenant compte de la société et de la socio-culture, pour une situation donnée. Synergy intègre donc six dimensions, répondant à des questions fondamentales : Où et quand [la situation], qui et pour qui [la société], quoi [la structure], comment [le système], pourquoi [la stratégie] et puis avec quels résultats [la synergie]. Ces questions sont essentielles pour saisir l'essence de la synergie, qui est la somme des parties ou des six dimensions du modèle.
La synergie est donc l'effet conjugué de six dimensions dont la première est la situation. C'est le contexte, c'est-à-dire la dimension de l'espace et du temps, les conditions dans lesquelles se déroule notre action. Historiquement, la synergie vient du grec sunergie c'est-à-dire travailler ensemble ; collaborer. Mais la collaboration ne se produit pas dans le vide. Il faut un environnement propice, géographiquement et dans le temps, d'où l'importance de se poser les questions où et quand. Vous pouvez gérer l'espace et le temps, comme lorsque vous êtes en télétravail, en visioconférence, ou encore en lisant cet éditorial sur les transports en commun. C'est le 1st dimension importante.
La deuxième dimension est la dimension sociétale ou socio-culturelle. En sociologie, la synergie est plus généralement définie comme les relations dynamiques entre les nations, les classes sociales ou les personnes. Mais dynamique ne veut pas dire constructif. La dimension sociétale, ou socioculturelle, vise à assurer une compréhension commune des enjeux clés. Il est important de se demander qui et pour qui. Cette dimension sociétale est souvent négligée et on a tendance à la considérer plus implicitement alors qu'elle est fondamentale. Il s'agit de bien réfléchir à la socioculture unique de votre organisation. En effet, nous ne pensons pas assez aux personnes qui sont au cœur de toutes les activités. C'est grâce à eux que nous pouvons atteindre l'excellence par l'efficacité et l'efficience, et c'est pour eux que nous devons être équitables et éthiques.
La troisième dimension à considérer est la structure. L'architecture utilise de plus en plus l'idée de créer une synergie, c'est-à-dire une harmonie entre l'environnement [situation], les gens [société] et l'infrastructure [structure]. Concrètement, il peut s'agir d'une structure physique ou d'une infrastructure, mais aussi organisationnelle. Nous abordons cette dimension en nous demandant ce qu'elle est concrètement. Parlons-nous d'un bâtiment, d'une entreprise ou d'un État ? A la base, c'est l'idée d'une institution et de sa structure organisationnelle ; le fameux organigramme. Mais à lui seul, ce schéma ne représente pas non plus la socioculture ni le processus systémique ; ce n'est que le squelette sur lequel nous devons étoffer les autres organes pour donner la vie. Et de plus, un réflexe exécutif face à un défi criant est couramment de changer de structure, alors que la structure elle-même ne résout pas grand-chose si on n'agit pas aussi sur la culture et sur le système, sur la stratégie et sur la situation, afin d'atteindre un plus haut degré de synergie.
Quatrièmement, la dimension systémique. Ici, ce sont les processus et le fonctionnement qui nous importent, d'un point de vue global. Parfois, la dimension système est associée à des moyens, comme la technologie par exemple. Mais nous voudrons surtout répondre à la question de savoir comment les choses fonctionnent en pratique ; c'est-à-dire les processus. Il est entendu qu'il existe parfois des différences majeures entre la culture, la structure et le système. Ce sont là des sources de frictions importantes qui minent l'efficacité et l'efficience. Je reviendrai sur l'idée principale de synergie qui est celle d'un meilleur « fit » entre les dimensions mais d'un point de vue systémique, il faut aussi considérer les processus clés.
La stratégie apparaît alors évidemment comme une cinquième dimension importante. En stratégie d'entreprise, on parle parfois de synergie dans le cadre d'acquisitions et de fusions. Dans la dimension stratégique, nous essayons de répondre à la question pourquoi nous faisons les choses que nous faisons et nous sommes parfois simplement heureux de dire, pour le profit ou pour le public, mais c'est bien plus que cela en fait. La stratégie est la raison même d'être, la vision que l'on se donne qui répond à la raison pour laquelle on veut exceller. Mais cette vision doit encore tenir la route et ne pas être qu'un rêve éveillé au niveau de l'entreprise… Dans les années 1990 notamment, la synergie était très en vogue mais nous avons déchanté car elle n'était pas bien définie. La plupart des dirigeants ne le géraient pas exprès et aussi très délibérément comme je le suggère dans mon livre : Synergy.
La 6ème dimension, et non des moindres, est celle de la dynamique. C'est à ce moment-là qu'on parle de réaliser une synergie d'action. Systématiquement comme en pharmacologie pour traiter le cancer par exemple, on parle de synergie lorsque plusieurs médicaments anticancéreux sont associés afin d'optimiser le traitement en créant une synergie. Naturellement, la synergie est positive, un cercle vertueux que nous voulons, alors que son contraire est un cercle vicieux que nous évitons. Cependant, on peut dire que la synergie en elle-même n'existe guère de manière isolée et qu'elle est très dynamique. Les six dimensions sont donc fondamentales pour comprendre l'idée de base de la création de synergie. Comme elle est par définition « plus grande que la somme de ses parties », la synergie émerge dynamiquement dans l'action. L'essence du modèle est que la synergie est créée et gérée par l'intégration des six dimensions et donc ce n'est pas le hasard. Nous devons délibérément créer et gérer cette synergie. Bref, une telle synergie d'action permet de démultiplier des effets à forte valeur ajoutée. C'est ainsi que la synergie tire sa grande valeur ajoutée de la somme de ses parties dans les six dimensions que nous avons ainsi présentées. Dorénavant, le Canada devrait délibérément utiliser le modèle théorique de Synergy afin d'obtenir des effets plus importants.