Le Canada doit affronter les causes d'un monde post-vérité

Auteurs):

Gabriel Miller

Fédération des sciences humaines et sociales

Directrice exécutive

Gabriel Miller

Un jour, le président américain se moque de la Corée du Nord, traitant le conflit nucléaire comme s'il s'agissait de WrestleMania. Le lendemain, il rejette avec désinvolture l'injustice raciale en Amérique en diffamant les athlètes noirs engagés dans une manifestation pacifique. D'autres jours, il se vante d'avoir exclu les musulmans du pays, de saborder les efforts mondiaux de lutte contre le changement climatique et de rejeter les partenaires commerciaux les plus proches de son pays, dont le Canada. Tout regarder est épuisant. Comment devrions-nous réagir face à cette volée incessante d'ignorance et de décisions erronées ?

Une première étape consiste à regarder au-delà de la distraction constante et à refuser de suivre aveuglément la balle rebondissante en colère. Certes, le Canada doit répondre aux menaces spécifiques posées par cette présidence, mais les Canadiens ne doivent pas perdre de vue la cause profonde de ces crises quotidiennes. L'arrivée au pouvoir de M. Trump, comme la campagne du Brexit et la récente résurgence du sentiment nationaliste dans d'autres pays, découle d'un état d'esprit qui célèbre le leadership irréfléchi et rejette le dialogue respectueux et informé.

Ce qui a été le plus choquant dans la campagne présidentielle de Trump, ce n'est pas le nombre de mensonges qu'il a racontés, mais la facilité avec laquelle il a écarté la vérité. Des mensonges ont été exposés, mais Trump n'a pas même rougi et son soutien n'a pas semblé en souffrir. Il semblait que la vérité avait perdu son pouvoir de persuasion.

L'affaiblissement du pouvoir des faits dans le discours public, ce que l'on pourrait appeler le problème de la « post-vérité », est un problème que tous les pays doivent prendre au sérieux, y compris le Canada. Certes, depuis l'élection de Trump, le Canada a agi rapidement pour défendre ses intérêts, notamment dans les négociations de l'ALENA. Nous avons également présenté au monde un système de réfugiés très efficace et plaidé pour la coopération internationale face à l'isolationnisme croissant.

Il reste cependant du travail à faire pour soutenir le type de dialogue public éclairé et inclusif qui permettra au Canada de relever ses plus grands défis et de maintenir la santé de notre démocratie à long terme.

Le changement climatique, les inégalités croissantes et la réconciliation entre les peuples autochtones et non autochtones ne sont que quelques-uns des problèmes les plus évidents auxquels nous sommes confrontés. Chacune a des dimensions sociales et culturelles profondes, et aucune n'est susceptible d'être abordée par la seule innovation technologique. Ils ont besoin de solutions éclairées par de nouvelles connaissances dans de multiples domaines, menant à l'action dans un mélange diversifié de communautés et de différents secteurs de l'économie. Les chercheurs en sciences humaines et sociales, qui créent des connaissances sur le fonctionnement des systèmes humains et sur la façon dont différentes personnes pensent, se comportent et interagissent, auront un rôle essentiel à jouer.

L'éducation est une première défense contre le phénomène de la post-vérité. Nous avons besoin de plus de personnes capables de réfléchir de manière critique à des sujets complexes, de différencier les bonnes informations des mauvaises, de voir au-delà de leurs propres préjugés et de considérer respectueusement d'autres perspectives, en particulier lorsqu'elles sont confrontées à des différences ethniques, religieuses ou culturelles.

De nouvelles recherches sont également vitales. Les scientifiques et les universitaires de diverses disciplines fournissent des preuves importantes qui appuient une discussion éclairée et fondée sur des faits. Dans un rapport sur le système de recherche du Canada publié plus tôt cette année, un groupe d'experts nommé par le gouvernement fédéral a conclu que de nouvelles recherches universitaires dans toutes les disciplines sont essentielles pour que le pays puisse relever ses défis nationaux. Cela comprend non seulement les bourses d'études dans des domaines tels que la médecine et l'ingénierie, mais aussi dans les sciences humaines et sociales. Les auteurs soulignent que "les sociétés sans grande science et érudition dans un large éventail de disciplines sont appauvries dans de multiples dimensions".

Le gouvernement du Canada travaille toujours sur sa vision de l'enseignement supérieur et de la recherche dans un monde post-vérité. Pendant ce temps, l'administration Trump a fait son choix, faisant de son mieux pour réduire le financement de la recherche et de la culture, et pour fermer les National Endowments for the Humanities and the Arts. Ce n'est pas une coïncidence - cela correspond parfaitement à l'approche post-vérité de Trump en matière de politique. Le Canada a la responsabilité de choisir une voie différente.

Gabriel Miller est directeur général de la Fédération des sciences humaines et sociales. Il animera une conférence Voir grand intitulée « L'expertise à l'ère de l'après-vérité : comment devenir un conseiller de confiance dans un monde où la confiance est faible », le jeudi 2 novembre à la Conférence sur les politiques scientifiques canadiennes à Ottawa.