Nous savons que nous avons un problème, mais quel est-il exactement ? – Un appel à la collecte de données sur le système alimentaire canadien en réponse à la COVID-19

Auteurs):

Cristal Chan

Johnson Shoyama Graduate School of Public Policy, Université de la Saskatchewan

Peter Phillips

Johnson Shoyama Graduate School of Public Policy, Université de la Saskatchewan

Professeur émérite

Cristal et Pierre

La pandémie mondiale a un effet désastreux sur tous les aspects de notre société - et notre système alimentaire ne fait pas exception. En surface, l'approvisionnement alimentaire semble plus ou moins stable, mais il a causé une détresse considérable à beaucoup d'entre nous pendant cette période de confinement.

Nous devons nous demander si ce que nous voyons reflète une caractéristique fondamentale de notre système alimentaire qui a besoin d'être retravaillée. Et, si oui, que devons-nous en faire ?

Au supermarché, tout semble normal et certains produits deviennent même moins chers au rayon fruits et légumes. Mais l'industrie canadienne de la pomme de terre a récemment déclaré une crise majeure en raison de la fermeture des établissements de restauration. Est-ce simplement parce que toute notre industrie dépend des gens qui mangent des frites au restaurant ?

Des mesures de rationnement s'appliquent aux produits carnés dans certains magasins, mais les agriculteurs partagent maintenant des histoires déchirantes sur le fait qu'ils doivent euthanasier leurs animaux à la ferme en raison d'une baisse de la demande. Cela est-il à la base causé par une capacité réduite dans des abattoirs hautement concentrés - qui sont désormais des foyers de coronavirus ? Les conditions de travail de ces installations sont désormais sous surveillance. La consommation de viande est-elle désormais un acte de cruauté à la fois animale et humaine ? Faut-il tous arrêter de manger de la viande ?

Dans les grandes chaînes de supermarchés, la farine et la levure sont difficiles à trouver. Robin Hood a même dû changer son emballage pour répondre à l'augmentation de la demande. Est-ce simplement parce que tous les Canadiens sont stressés à cuisiner à la maison ?

Les étagères pour les pâtes et les produits connexes restent stériles. Est-ce uniquement parce que les Canadiens stockent des aliments de base? Marchez vers une autre allée et tout va bien dans la section des haricots en conserve, des légumes et des fruits de mer. Comment expliquons-nous cela ?

De nos jours, de plus en plus de gens parlent de l'importance de « soutenir les produits locaux », y compris les agriculteurs et les petites entreprises alimentaires. Les gens parlent du raccourcissement de la chaîne alimentaire comme de notre avenir. Est-ce vraiment «l'échelle de production» et la «mondialisation» qui nous ont amenés là où nous en sommes actuellement?

Certaines personnes pensent que nous devons briser notre dépendance à l'égard des aliments achetés. L'intérêt pour le potager est à son plus haut niveau, car les médias, tels que Global et Mail, encouragent les gens à planter des « jardins de la victoire » pour lutter contre le COVID-19. Cela aidera-t-il le pays à assurer sa sécurité alimentaire ? Serait-ce un remède pour nos populations éloignées et vulnérables ?

Même une simple question comme « Comment les Canadiens vont-ils et réagissent-ils ? » susciter des réponses mitigées. Certains affirment qu'ils mangent mieux pendant cette quarantaine car ne pas pouvoir dîner au restaurant les oblige à être plus créatifs à la maison. D'autre part, d'autres sont profondément préoccupés par les personnes qui dépendent des repas scolaires et des soupes populaires pour leur alimentation quotidienne.

Il est très facile de dire : « Nous avons un problème ». Cependant, nous savons très peu de choses sur ce qu'est le problème, sans parler de l'ampleur et de l'importance du problème. Ce que nous voyons ces jours-ci, ce sont des observations et des opinions anecdotiques, chacune porte une part de vérité mais ne représente pas toute l'histoire. Les croyances personnelles, l'expérience antérieure et la pensée linéaire dominent largement les discussions existantes sur le système alimentaire de notre pays.

L'élaboration de politiques fondées sur des preuves fait fureur dans la réponse à la pandémie, mais nous continuons à prendre des décisions basées sur des impressions ancrées dans des histoires fantaisistes. En l'absence de données en temps réel, les experts et les spécialistes des politiques font toutes sortes de recommandations, qu'il s'agisse de demander aux gens d'être simplement patients et de laisser les choses se stabiliser ou d'inciter les gens à acheter local ou à devenir 100 % autonomes. Regardez plus en profondeur et vous remarquerez qu'aucune de ces recommandations n'a de véritable base factuelle.

Avec COVID-19, nous savons maintenant à quel point des données incomplètes et de mauvaise qualité peuvent vraiment nuire à la santé de la nation. Cela aussi affectera la façon dont les décisions sont prises au sein de notre système alimentaire. À l'heure actuelle, il est évident que ce que les consommateurs réguliers voient n'est pas ce que les autres parties prenantes vivent. Le manque de connaissances fait qu'il est très difficile pour le gouvernement de naviguer dans le système – sans parler de repérer les problèmes qui justifient une intervention.
Statistique Canada recueille activement des données pour illustrer l'impact de la COVID-19 sur l'économie et la société. La pandémie a incité de nombreux Canadiens à prendre des mesures qui contribuent à un plus grand bien. Un temps sans précédent a créé une opportunité sans précédent de collecter des données utiles sur la façon dont le système alimentaire du pays fonctionne en situation de stress.

Il est temps d'aller au-delà de la tactique "nous avons un problème et voici une solution pour le résoudre" et de travailler pour vraiment comprendre ce qui motive ce que nous voyons. Nous avons les moyens mais jusqu'à présent nous ne nous sommes pas organisés pour les utiliser. La numérisation récente au sein du secteur agroalimentaire a déjà satisfait certaines de nos exigences en matière de données, car nous générons désormais des données précises sur les prix et la rotation des stocks. Il en faut plus.
À cette fin, nous exhortons fortement Statistique Canada à lancer une enquête à l'échelle nationale pour examiner le comportement de consommation alimentaire des Canadiens et son évolution face à une pandémie. Nous exhortons également les instituts de recherche sur les politiques à travers le pays à partager activement l'information et à rassembler des ressources de données pour la recherche future et l'élaboration de politiques. La coordination entre les secteurs privé et public au sein de la chaîne alimentaire pourrait fournir des preuves vitales qui aideront à révéler les racines profondes de ce que nous voyons au magasin et nous donneront une meilleure chance de traiter les causes plutôt que de simplement répondre aux symptômes.