Les Partenariats Internationaux En Recherche : Un Investissement À Haute Valeur Ajoutée

Auteur:
Professeur Rémi Quirion
Scientifique en chef du Québec
INGSA
Président
Julie Dirwimmer
Bureau du scientifique en chef du Québec
Conseillere stratégique – Sciences et société
Laurent Corbeil
Bureau du scientifique en chef du Québec
Conseiller stratégique – Affaires internationales
La version française de ce texte a été approuvée par l'auteur.
Si vous doutiez encore de la plus-value des collaborations internationales en recherche, la production en un temps record d’un vaccin contre la COVID vous aura certainement convaincu. Le développement de la recherche fondamentale qui a conduit à la production de vaccins à ARN a été rendu possible par les sciences ouvertes et par des collaborations de haut calibre à l’échelle internationale. Il s’agit d’un des meilleurs exemples pour illustrer l’importance de travailler ensemble pour relever les plus grands défis auxquels nos sociétés sont confrontées, que l’on parle de changements climatiques, de la perte de biodiversité, des mouvements migratoires, ou ceux en lien avec les objectifs de développement durable.
Dans ce contexte, les partenariats internationaux apparaissent comme un vecteur essentiel de réussite, ce qui pousse les gouvernements, institutions académiques et chercheurs à y investir du temps et des ressources importantes, espérant maximiser les retombées de leurs efforts. Est-ce que ça en vaut le coup ? Certainement, à condition de réunir certaines conditions de succès.
Les bénéfices d’une stratégie partenariale bien pensée
Les partenariats internationaux en recherche présentent de nombreux bénéfices pour toute une série d’acteurs. Pour les universités et les collèges, ils représentent une façon d’obtenir plus de moyens, plus de résultats et plus de rayonnement, tant par les recherches de calibre international qui y sont menées que par leurs réseaux d’alumni qui se déploient partout à travers le monde. Pour la communauté de recherche, ils permettent un accès à des jeux de données massifs, à un échange d’expertise plus fluide et régulier, et à des collaborations qui ne pourraient pas toujours exister sans programmes de financement internationaux. Les membres de la relève étudiante y trouvent aussi leur compte en saisissant les opportunités de travailler sur des projets d’ampleur, de se former à l’étranger, et surtout de développer un vaste réseau de contact international dès le début de leur carrière. Tous ces acteurs travaillent ensemble et s’épaulent afin de tirer le meilleur profit de ces partenariats internationaux.
Le Québec et le Canada font preuve de vision stratégique à cet égard, en soutenant les chercheurs qui ont le potentiel de se hisser au plus haut niveau d’excellence à l’échelle internationale. Nous faisons ainsi partie des leaders dans le monde sur des thématiques clés pour la société d’ici. Les investissements coordonnés du gouvernement fédéral et du provincial ont permis par exemple de développer un certain leadership mondial du Canada et du Québec en intelligence artificielle, de sa conception à son implantation, en passant par le développement d’une gouvernance responsable, par le biais du MILA – Institut québécois d’intelligence artificielle, du consortium de recherche IVADO et de l’Observatoire sur les impacts sociétaux de l’IA (OBVIA).
D’autres investissements ciblés au Québec comme le Réseau francophone international en conseil scientifique – RFICS, le Réseau de recherche en économie circulaire du Québec - RRECQ ou encore le Pôle cancer du FRQ – ONCOPOLE, ont des retombées directes pour la société sur des sujets stratégiques et incontournables, comme la santé publique, le vieillissement ou les changements climatiques.
Ces regroupements de chercheuses et chercheurs contribuent à mettre en commun les forces de changement et à influer sur les gouvernements à tous les niveaux, de la municipalité à l’ONU. C’est ainsi que l’excellence des travaux du chercheur Yoshua Bengio et de ses équipes l’ont porté jusqu’au comité scientifique des Nations Unies, un comité conseil du secrétaire général dont un des mandats est de soutenir le développement responsable des technologies de rupture.
Les réseaux de recherche à l’international sont en plein développement et il y a de nombreuses occasions à saisir pour prendre le leadership au sein des organisations internationales, notamment en matière de science ouverte. C’est ce que le Fonds de recherche du Québec – FRQ a fait, notamment, en adhérant à la coalition S et en soutenant au sein de la communauté francophone internationale la découvrabilité des publications scientifiques en français. De fil en aiguille, le Québec est maintenant la juridiction ayant le plus de chaires UNESCO par rapport à sa population, avec 23 Chaires UNESCO et 1 réseau UNITWIN, des infrastructures de recherche très souvent basées sur la collaboration Nord-Sud.
Nous ne devons pas hésiter non plus à intégrer des regroupements de partenaires ou des organisations supranationales, notamment pour collaborer avec des partenaires ayant moins de ressources ou encore pour décupler les résultats, leur diffusion et leur mobilisation. À cet égard, nous souhaitons saluer le récent partenariat entre la Commission européenne et le Canada qui reconnait ce dernier comme un partenaire à part entière d’Horizon Europe et permet des collaborations de recherche dans l’un de ses trois piliers. La communauté de recherche canadienne saura sans nul doute saisir les opportunités que cela représente.
Quelques conditions de succès
Il faut cependant rester prudents face aux nombreuses attentes que peuvent susciter les collaborations internationales. Certaines d’entre elles peuvent s’avérer peu fructueuses si on ne réunit pas les conditions de succès. N’oublions jamais que chaque partie prenante doit trouver dans ces partenariats un intérêt équivalent, en particulier dans les collaborations Sud-Nord, et c’est d’ailleurs le sujet de notre panel plénier au congrès du CSPC cette année. Nous organisons ce panel avec le Centre de recherche en développement international - CRDI qui a développé des approches très solides à cet égard, en particulier pour le suivi des impacts de ses programmes.
Signer un accord ou obtenir une subvention internationale n'est que le début d’une aventure: il faut ensuite s'assurer que les objectifs de tous soient atteints, ajuster constamment les pratiques, et faire preuve de beaucoup d’écoute pour détecter les signaux faibles. Le succès dans une bonne stratégie d’internationalisation réside souvent dans une bonne connaissance des orientations gouvernementales, de la communauté scientifique et d’une connaissance approfondie du contexte international et des enjeux géo-politiques. À cet égard, la veille active effectuée par les scientifiques en résidence que nous avons déployés dans nos délégations du Québec à l’étranger est très aidante.
Pour une meilleure reconnaissance du pouvoir de la diplomatie scientifique
Pour terminer, nous soulignons que les dirigeants des gouvernements n’ont pas encore pleinement pris conscience du potentiel diplomatique de ces partenariats et des collaborations scientifiques qui en découlent. La diplomatie scientifique devrait davantage figurer dans nos grandes stratégies internationales, au même titre que d’autres ‘pouvoirs discrets’ comme la culture. La recherche porte, par nature, une dimension internationale, et bien souvent, elle n’a pas besoin des diplomates pour se développer et contribue par elle-même au rayonnement d’une nation. Parfois, ces collaborations servent de ponts en temps de crise afin de faciliter la coopération entre pays.
Au Québec, des initiatives comme le soutien aux scientifiques ukrainiens en exil ou les programmes de coopération avec la Palestine renforcent les liens entre scientifiques expatriés et leurs communautés d'origine et contribuent directement à la diplomatie. Elles soutiennent, à leur échelle, la pacification de nos relations. Nous bâtissons ces partenariats internationaux pour que le Québec soit une société plus résiliente, et aussi pour que tous les étudiants du Québec et du Canada se considèrent, avant tout, comme des étudiants du monde.