Récompense contre responsabilité : le défi éthique du Canada face aux changements climatiques

Auteurs):

Marc Mc Arthur

Solutions de traverses

Président

Programme WIPO GREEN de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle

Membre du conseil consultatif

McArthur

 

Avec la contribution de Mahmoud Masaeli, professeur, École de développement international et mondialisation, Université d'Ottawa

Nous vivons dans un monde de plus en plus mondialisé caractérisé par un degré élevé d'interdépendance avec et entre les sociétés du monde. Cette interdépendance (appelons-la « la condition de la mondialisation ») se manifeste de plusieurs manières, de la communication instantanée du triomphe et du désespoir humains depuis et vers tous les coins du globe aux impacts d'une population de plus en plus mobile, y compris les échanges culturels et la propagation de terrorisme. En conséquence, la société canadienne est devenue de plus en plus consciente du sort des communautés et des nations bien au-delà de nos frontières ainsi que de l'impact de notre politique étrangère sur ces populations et de la façon dont cela est représentatif (ou non) des valeurs canadiennes.

Dans le monde naturel, le phénomène de globalité écologique a existé pendant des éternités avant l'émergence de l'humanité. Les systèmes naturels ont toujours été physiquement connectés à l'échelle mondiale et les activités humaines ont eu un impact de plus en plus important sur ces systèmes naturels à l'échelle mondiale, en particulier dans le domaine du changement climatique. Nous avons maintenant atteint le point où notre infrastructure sociétale, y compris les lois, les codes de pratique, les concepts de moralité, d'éthique et de droits ainsi que nos valeurs et croyances culturelles ont pris du retard en termes d'échelle et de sophistication par rapport aux impacts de notre infrastructure physique.

La convergence de ces deux interprétations de la globalité était évidente lors de la 21e session annuelle de la Conférence des Parties (COP21) qui s'est récemment achevée à Paris où, pour la première fois, 195 pays représentant la quasi-totalité de la population mondiale ont reconnu l'impact de l'humanité sur le climat mondial. et le rôle de notre technologie en tant que cause et remède potentiel de cet impact. Plus précisément, il a été reconnu que les pays développés ont atteint leur niveau élevé de développement économique et les avantages sociétaux connexes grâce à l'exploitation de technologies qui, dans leur utilisation, ont contribué à une crise climatique mondiale. Le sentiment qui en résulte est que les pays développés (tant les États que les entreprises qui sont le principal agent du développement économique) doivent faire plus, par sens du devoir, pour mettre à la disposition des pays en développement des technologies tout aussi efficaces mais plus respectueuses de l'environnement par le biais à la fois financier et technique. mécanismes qui facilitent ce transfert de capacités.

Cet impératif crée un défi intéressant pour le Canada. Comment les institutions canadiennes concilient-elles les obligations éthiques réelles et perçues du Canada dans cette nouvelle globalité physique et sociétale pour équilibrer efficacement nos obligations envers notre communauté mondiale ainsi que nos obligations envers notre propre société? Quels cadres éthiques devraient guider la prise de décision en ce qui a trait au transfert de la technologie canadienne (et de sa valeur intrinsèque) aux pays en développement? Pour le dire concrètement, où devrait se situer l'aiguille sur l'échelle entre l'aide et le commerce lorsqu'il s'agit de technologies canadiennes qui atténuent les effets des changements climatiques?

Prenons par exemple la déclaration suivante du premier ministre Pierre Trudeau en 1963 : « Le Canada est l'un des pays les plus riches, les plus stables et les plus chanceux du monde. Les politiques libérales sont des politiques que nous devons suivre pour soutenir et prolonger l'expansion économique sans boom ni récession. Plus de cinquante ans après cette déclaration et sous un autre gouvernement libéral, le gouvernement Trudeau met-il l'accent sur une expansion économique soutenue et prolongée toujours en phase avec les valeurs canadiennes?

Il existe divers paradigmes éthiques qui peuvent être appliqués pour répondre à ces questions, notamment le libéralisme réaliste, économique (qui n'est pas nécessairement assimilé au néolibéralisme) et le cosmopolitisme. Quel que soit le cadre utilisé, il sera important pour les décideurs canadiens de réfléchir à l'orientation de la boussole morale du Canada alors que nous nous aventurons dans les eaux troubles de la récompense économique par rapport à la responsabilité environnementale lorsque nous examinons la science et la technologie canadiennes à l'ère de la mondialisation.