Risques microbiens pour la santé auxquels sont confrontés les travailleurs agricoles migrants au Canada : les réalités antérieures à la COVID-19

Publié le: mai 2020Catégories: Réponse à la COVID-19, Éditoriaux, Impacts sociauxMots clés:

Auteurs):

Nadwa Elbadri

Génie civil et environnemental, Université de Waterloo

Candidat à la maîtrise

Nadwa Elbadri

Alors que le monde lutte contre une pandémie en cours, il est difficile de ne pas remarquer tous les changements qui se produisent autour de nous. De l'évolution des routines quotidiennes aux politiques en constante évolution, le changement semble être la seule constante au cours des deux dernières semaines. Un changement majeur susceptible d'affecter de nombreuses communautés agricoles est la fermeture des frontières internationales. Pour de nombreux agriculteurs, cela limiterait leur capacité à faire venir des travailleurs agricoles migrants par le biais du Programme des travailleurs agricoles saisonniers (SAWP). Dans un effort pour protéger le commerce, la santé et la sécurité alimentaire des Canadiens, le gouvernement du Canada a fourni une mise à jour sur les restrictions de voyage, avec des exemptions qui incluent les travailleurs agricoles saisonniers. Alors que nous essayons de naviguer dans les détails de ces nouveaux changements, il est important de résoudre les problèmes structurels qui existent déjà au sein du SAWP. Les conditions de travail et de vie précaires, associées à la faible application des normes de travail et de logement, sont des problèmes de longue date qui précèdent et exacerbent les risques associés à l'arrivée de la COVID-19. Circonstances qui peuvent exposer les travailleurs agricoles saisonniers à un risque accru de contracter la COVID-19.

Les travailleurs saisonniers, principalement du Mexique, de la Jamaïque et d'autres pays des Caraïbes, travaillent dans des activités agricoles primaires spécifiques à la ferme. Ces activités comprennent les soins, l'élevage et l'assainissement des animaux, ainsi que la plantation, la récolte et la préparation des cultures. Cette main-d'œuvre saisonnière est un élément vital du système alimentaire, de la sécurité alimentaire canadienne et de l'économie. Les travailleurs migrants peuvent apporter une contribution positive à la performance et à la productivité d'une exploitation agricole, en apportant des compétences culturellement uniques. Au Canada, ils comblent un manque de main-d'œuvre sur une base annuelle, ce qui en fait une main-d'œuvre expérimentée, fiable et constante. Les travailleurs entrant dans le cadre du SAWP ont la possibilité de soutenir financièrement leurs familles et leurs moyens de subsistance dans leur pays d'origine, tout en contribuant fortement au flux des envois de fonds dans leur pays d'origine.

Cependant, malgré l'exigence d'un examen de santé avant l'arrivée, la recherche a montré que les travailleurs agricoles migrants font face à une gamme de menaces spécifiques connues pour la santé pendant leur mandat au Canada. Ceux-ci comprennent les traumatismes physiques causant des troubles musculo-squelettiques et les expositions microbiennes causant des maladies gastro-intestinales (Orkin et al., 2014). Des études antérieures ont également montré que les travailleurs agricoles migrants sont confrontés à une vulnérabilité accrue aux maladies infectieuses (Oren et al., 2014). Les facteurs à l'origine des risques microbiens pour la santé auxquels cette population est confrontée sont déjà présents, ce qui rend les mesures de quarantaine nécessaires pour freiner la propagation du COVID-19 difficiles à réaliser.

Les facteurs potentiels contribuant à la santé microbienne des travailleurs agricoles comprennent notamment les sources de contamination microbienne avant la récolte. Certaines de ces sources comprennent : la source d'eau d'irrigation utilisée, le type de culture, les applications au sol, l'élevage d'animaux sur place et le fumier insuffisamment composté (Stine et al., 2005). Bien que bon nombre de ces grandes exploitations autorisent la séparation des travailleurs dans les champs et dans les serres, elles manquent d'installations d'hygiène et d'assainissement adéquates sur ces lieux de travail. Des toilettes et des installations de lavage des mains insuffisantes sur les chantiers peuvent augmenter le risque que les travailleurs agricoles migrants développent et propagent des maladies microbiennes (Hennebry et Preibisch., 2011). Les risques peuvent être gérés grâce à la prestation d'une formation appropriée, à la fourniture d'installations d'hygiène et d'assainissement adéquates sur le lieu de travail et à la fourniture d'équipements de protection individuelle (EPI) appropriés.

La nature temporaire de leurs conditions de travail et de vie est également un facteur de risque, où les infrastructures temporaires et les fortes densités de travail peuvent accélérer le taux de transmission secondaire des maladies microbiennes. Ces éléments peuvent être mieux gérés grâce à des lignes directrices strictes en matière de logement et à des inspections fréquentes pour assurer la conformité. Les Services de gestion des ressources agricoles étrangères (FARMS), chargés de faciliter et de coordonner les demandes de travailleurs agricoles saisonniers, fournissent un document décrivant les lignes directrices sur le logement des travailleurs agricoles saisonniers. Les limites identifiées notent au moins 18 pouces entre les lits superposés et 10 travailleurs pour une seule toilette, ce qui rend difficile le maintien d'une distance sociale de sécurité dans des conditions normales et presque impossible pendant une pandémie. Pour certains voyageurs entrants, le gouvernement a fourni un hébergement dans des hôtels ou des bases militaires isolées, afin de mener à bien l'isolement obligatoire de 14 jours. Quant aux travailleurs agricoles migrants, nous les avons laissés dans des conditions de vie variables et avons injustement abandonné la responsabilité avec très peu de conseils aux employeurs.

En définitive, comme nous l'avons vu se dérouler au cours des dernières semaines, « la participation des travailleurs étrangers temporaires dans nos fermes et dans nos entreprises alimentaires est absolument nécessaire », comme l'a souligné le ministre Claude Bibeau. Compte tenu des circonstances actuelles, nous devons souligner dans notre élaboration plus large de politiques la nécessité de protéger la santé des travailleurs migrants. Pour commencer, nous devons nous attaquer aux risques microbiens pour la santé antérieurs à la COVID-19 auxquels est confronté ce groupe de travailleurs. La garantie d'installations d'hygiène et d'assainissement sur les lieux de travail, la conformité aux directives en matière de logement et l'accès aux soins de santé assureront un changement positif durable - un changement qui contribuera à une meilleure gestion des risques microbiens pour la santé et à l'amélioration de la sécurité alimentaire et de la santé publique au Canada.

Bibliographie:

Hennebry, Jenna et Kerry Preibisch. « Migration temporaire, effets chroniques : La santé des travailleurs migrants internationaux au Canada. CMaj, vol. 183, non. 9, 2011, p. 1 à 6, doi : 10.1503/cmaj.091404.I.
Oren, E., et al. "Détection de l'infection tuberculeuse latente chez les travailleurs agricoles migrants le long de la frontière américano-mexicaine." Maladies infectieuses BMC, vol. 16, non. 1, 2016, p. 1 à 9, doi : 10.1186/s12879-016-1959-3.
Orkin, AM, et al. « Rapatriement médical des travailleurs agricoles migrants en Ontario : une analyse descriptive. JAMC Open, vol. 2, non. 3, 2014, pages E192–98, doi : 10.9778/cmajo.20140014.
Stine, Scott W., et al. "Application de l'évaluation des risques microbiens à l'élaboration de normes pour les agents pathogènes entériques dans l'eau utilisée pour irriguer les produits frais." Journal de la protection alimentaire, vol. 68, non. 5, 2005, p. 913–18, doi : 10.4315/0362-028X-68.5.913.