Saisir l'opportunité de réaliser un projet phare

Publié le: octobre 2024Catégories: Stratégie d'innovation du Canada 2024, Éditoriaux
Clause de non-responsabilité : La version française de cet éditorial a été auto-traduite et n’a pas été approuvée par l’auteur.
Fouad Elgindy

Fouad Elgindy

Directrice des initiatives stratégiques et des programmes institutionnels

Université Queen

L’organisme Capstone proposé permettra au Canada de coordonner son financement de la recherche et de soutenir l’ensemble des recherches motivées par la curiosité et celles axées sur la mission, à un degré d’orchestration et de finalité jamais vu auparavant. Pour que l’organisme Capstone réussisse à transformer l’écosystème national de financement de la recherche, il doit déployer des efforts audacieux pour trouver des gains d’efficacité dans le système de financement actuel et créer des ensembles de programmes significatifs qui offrent aux scientifiques les meilleures possibilités de réaliser des avancées scientifiques majeures. Pour ce faire, il devra s’engager sérieusement auprès de la communauté scientifique – les universités, le gouvernement, les grandes installations de recherche et la Fondation canadienne pour l’innovation – pour s’assurer que la main-d’œuvre scientifique et les ressources d’infrastructure du Canada sont pleinement mises à contribution pour nos meilleures recherches fondamentales et notre travail commun pour résoudre les grands problèmes auxquels la société moderne est confrontée. Les rapports Naylor et Bouchard ont tous deux appelé à cette orchestration. Alors que nous envisageons Capstone, nous devons nous assurer que cette organisation trace une nouvelle voie pour le Canada. Elle doit avoir l’autorité et la structure de gouvernance nécessaires pour repenser l’écosystème de financement de la recherche et permettre les retombées tant attendues de la recherche de découverte jusqu’à l’innovation tout en faisant croître l’écosystème des talents vers la prospérité économique.

Le Canada est un pays où le financement de la recherche est fragmenté et où l’accès aux fonds de recherche est géré par différents programmes de financement hébergés par des organismes de financement indépendants, dirigés par des présidents distincts, qui relèvent de divers ministres. Le profil de financement typique d’un chercheur est qu’il détient plusieurs subventions (pour lesquelles il a présenté une demande indépendamment les unes des autres) qui rassemblent les éléments fondamentaux de la production de résultats de recherche, notamment le soutien de plusieurs stagiaires et la création ou le développement de nouvelles plateformes et de partenariats. Les programmes qui leur sont offerts sont soit très ciblés et bien soutenus, soit non spécifiques, sous-financés et sur-sollicités. Les rapports Naylor et Bouchard articulent ce défi et proposent des solutions utiles, notamment le concept de création d’un organisme de financement de la recherche qui regrouperait l’administration du financement de la recherche actuellement déléguée aux trois principaux organismes subventionnaires fédéraux (IRSC, CRSNG, CRSH) et qui devrait inclure l’organisme de financement de l’infrastructure de recherche (FCI). Selon ce modèle, l’organisme de financement de la recherche superviserait la majorité des fonds de recherche investis dans la recherche universitaire à l’échelle nationale.

Les consultations récentes avec les universités U15 (les universités qui attirent le plus de fonds de recherche au Canada) ont permis de cerner de nombreuses préoccupations initiales, notamment les changements de gouvernance et de gestion, les perturbations de la recherche et la transparence. L’optimisme quant à l’opportunité générationnelle que le rapport Bouchard a saisie en proposant ce nouveau mécanisme de contrôle du financement et le pas qu’il franchit vers une véritable orchestration du financement canadien pour l’impact est absent de ces discussions.

En créant un tel organisme, nous ne pouvons pas passer sous silence les obstacles que pose la consolidation d’organismes d’intérêts spéciaux qui fonctionnent de manière indépendante depuis des décennies. Pour être efficace, le programme Capstone doit surmonter les lacunes en matière de financement, la nature changeante des domaines prioritaires du gouvernement et la manière de mener à bien de grandes initiatives scientifiques. Mais la véritable opportunité pour le Canada est de se pencher plus en profondeur sur les raisons pour lesquelles il ne fonctionne pas actuellement et d’utiliser ce mandat pour essayer de régler le problème. Heureusement, il existe déjà d’innombrables évaluations de programmes (obligatoires pour chaque programme par le Conseil du Trésor), ainsi que des modèles de financement de la recherche internationale et les mesures proposées dans le rapport Bouchard.

Alors que l’agence Capstone trace une voie à suivre, elle devrait établir une vision autour de trois opportunités uniques dans son mandat :

Opportunité 1 : Une analyse plus approfondie de ce que les possibilités actuelles de financement de la recherche apportent ou non à la science canadienne. L'organisme Capstone aura l'avantage de disposer d'une perspective en supervisant les centaines de programmes offerts par les organismes subventionnaires et la FCI. Ces programmes répondent à divers besoins, avec des valeurs monétaires et un taux de réussite variables. La première tâche de l'organisme Capstone devrait être d'amorcer une évaluation plus approfondie de la série actuelle de programmes qui existent au sein des organismes subventionnaires, de comprendre comment les chercheurs utilisent ces programmes et dans quelle mesure ces programmes répondent aux besoins des intervenants de la recherche au Canada, notamment la société canadienne, les intérêts du secteur privé, les communautés de recherche, les établissements universitaires, etc.

Possibilité 2 : Créer un programme qui combine l’accès au financement essentiel, éliminant ainsi la nécessité pour les chercheurs de rassembler une multitude de possibilités de recherche. Les chercheurs sont plus utiles à leur domaine et au Canada lorsqu’ils font leurs recherches et qu’ils n’ont pas à se demander quel programme de recherche répondra à quelle partie de leurs besoins de financement. Grâce à cette analyse approfondie, le projet Capstone peut explorer la possibilité de regrouper les programmes par l’intermédiaire d’un point d’accès unique et réaliser des gains d’efficacité significatifs, comme des formulaires de demande communs. Cela peut se faire à plus petite échelle ou être mis en œuvre dans le cadre d’opportunités plus vastes (comme une combinaison du Fonds d’excellence en recherche Apogée Canada, du Fonds d’infrastructure de la FCI, des chaires de recherche du Canada, du Fonds de leadership John Evans de la FCI, du CRSNG Créer et du CRSNG Alliance).

Opportunité 3 : Trouver le bon rapport entre les travaux menés par le gouvernement et axés sur la mission et le financement motivé par la curiosité. S’il est dans l’intérêt du gouvernement de soutenir la recherche la plus proche de la mobilisation des connaissances ou des résultats de commercialisation, cela ne sert pas la communauté scientifique. Aucun organisme de financement n’a lancé d’appel pour voir si l’ARNm pourrait permettre de créer un excellent vaccin. Des scientifiques curieux ont travaillé sur cette idée sans direction pendant un certain temps avant qu’une pandémie ne frappe, mais cette recherche fondamentale est devenue essentielle au déploiement rapide de vaccins salvateurs. Les connaissances s’accroissent au fil des ans et sont généralement fondées sur la recherche fondamentale qui fait principalement progresser notre compréhension. Ainsi, l’idée d’investir massivement dans des domaines prioritaires à court terme prive la nation de la possibilité pour la recherche de développer de nouvelles connaissances. Il est donc essentiel que le pays s’éloigne du financement progressif de la recherche dans le cadre de programmes nouveaux et existants et qu’il confie à la communauté scientifique le soin de permettre des trajectoires d’investissement à plus long terme qui correspondent à ses priorités.

L’harmonisation des modèles de financement avec les investissements réguliers dans la recherche canadienne, qui augmentent de façon prévisible chaque année, permettra aux établissements universitaires, aux chercheurs et aux intervenants externes de mieux planifier. Le conseiller scientifique en chef peut jouer un rôle clé dans la liaison entre l’Agence Capstone et les ministres ou d’autres décideurs clés au sein du gouvernement sur ces projections à long terme de la force scientifique canadienne et les investissements nécessaires pour assurer leur réussite.

Un changement transformateur est nécessaire, et l’opportunité Capstone le rend accessible. Le bassin de chercheurs canadiens est vaste et la communauté est prête à répondre à l’appel et, par conséquent, à faire progresser le Canada sur la scène mondiale.

Soyons audacieux et prenons les mesures nécessaires pour avancer dans ce voyage.