Sortir du cadre politico-bureaucratique : apprendre de l'expertise des cols bleus
Auteur:
Kelly Bronson
Sciences et société
Chaire de recherche du Canada (II)
Université d'Ottawa
Professeure Adjointe, École d'études sociologiques et anthropologiques
Alana Lajoie-O'Malley
Université d'Ottawa
Doctorante en Sociologie
Une chose ressort clairement du « Rapport sur le climat changeant » du Canada : nous devons réaliser d'importantes réductions d'émissions et aussi nous adapter au changement climatique que nous connaissons actuellement. Si nous voulons réussir dans ces deux tâches, les décideurs politiques, les universitaires et les dirigeants politiques auront besoin de nouveaux et meilleurs moyens d'impliquer les cols bleus dans les efforts d'atténuation et d'adaptation au changement climatique.
Les « cols bleus » sont ceux qui effectuent un travail manuel dans la construction, la fabrication, le transport et l'entreposage, les services automobiles, l'entretien, l'agriculture, la foresterie, la pêche, la chasse ou les services publics. Les scientifiques s'accordent à dire qu'un changement fondamental dans ces secteurs est nécessaire au cours de la prochaine décennie. Cela signifie que les travailleurs sont au cœur de l'atténuation et de l'adaptation au changement climatique.
Pourtant, des questions pressantes persistent à la suite du Rapport sur le climat changeant : Où sont les points de rencontre entre les cols bleus du Canada et les institutions de gouvernance chargées de diriger l'atténuation et l'adaptation aux changements climatiques? Comment les cols bleus sont-ils invités à définir leur identité et à façonner le travail qu'ils seront fiers de faire dans un monde post-carbone ?
Les cols bleus connaissent des choses sur leur secteur que personne d'autre ne connaît. Nous avons besoin de leur savoir-faire. Mais leur expertise est-elle reconnue ? Cliquez sur Un récent de plus de 500 cols bleus au Canada ont constaté qu'une majorité (88 %) est fière de son travail, mais 49 % déclarent se sentir dévalorisés par le reste de la société et 47 disent se sentir comme des « citoyens de seconde classe » en raison du type de travail qu'ils font. Cette combinaison de fierté bien méritée associée à un sentiment de dévalorisation est préoccupante, surtout lorsqu'une si grande partie de la conversation nationale et mondiale sur le climat porte sur la manière de réaliser une transition, qui comprend des changements majeurs dans la main-d'œuvre.
Nous savons que Les cols bleus du Midwest américain croient que le gouvernement devrait agir sur le climat, mais que cette action ne devrait pas être prise au détriment de leur emploi. Ces mêmes travailleurs ont exprimé une inquiétude générale accrue quant à leur sécurité économique. Nous devrions prendre cela comme instructif; les chercheurs pensent déjà que l'insécurité économique a contribué à la baisse des préoccupations concernant le changement climatique aux États-Unis après la crise financière de 2008. Nous savons que les sentiments de déplacement et d'insécurité économique contribuent aux impasses concernant la tarification du carbone et les pipelines au Canada.
Le gouvernement du Canada a entrepris d'importants engagements publics en élaborant des politiques et des plans tels que le Cadre pancanadien sur la croissance propre et le climat et la Loi sur l'évaluation d'impact. La voix des travaillistes est à la table depuis un certain temps. Les syndicats sont fortement représentés dans Groupe de travail sur une transition juste pour les travailleurs et les collectivités du charbon canadien, le Congrès du travail du Canada a été engagé sur les questions climatiques depuis des années.
Mais tous les cols bleus ne sont pas syndiqués et tous les travailleurs syndiqués ne sont pas des cols bleus. Plus important encore, il est prouvé que les approches actuelles pour impliquer les cols bleus dans la conversation sur le climat ne bénéficient pas pleinement du savoir-faire essentiel qu'ils possèdent. La recherche suggère que même les meilleures tentatives pour obtenir une participation de la base aux questions de politique environnementale ont tendance à forcer l'engagement aux conditions des gouvernements. En n'étant pas pleinement conscients de la façon dont les personnes consultées pensent et travaillent réellement, ces approches rendent invisibles de nombreux types de savoir-faire et d'expertise cruciaux. Dans le cas des réductions d'émissions, par exemple, la catégorie même des émissions de gaz à effet de serre est extrêmement abstraite et éloignée des réalités quotidiennes : garder les grands bâtiments chauds en hiver et frais en été ; maintenir le trafic en mouvement par mauvais temps ; et maintenir une alimentation électrique fiable pour les foyers en cas de catastrophe naturelle.
Ainsi, dans le cas de l'action politique canadienne sur le climat, le gouvernement devrait élaborer des stratégies fondées sur des données probantes d'une manière moins habituelle pour les cultures politiques et bureaucratiques - de manière à commencer par comprendre les réalités et l'expertise des cols bleus. Nous devrions prendre les 49 % de cols bleus qui ont le sentiment que leur travail est dévalorisé par le reste de la société comme une invitation à demander : "Comment les décideurs gouvernementaux peuvent-ils apprendre des travailleurs et faire plus pour leur donner les moyens d'écologiser leurs emplois ? et construire l'économie verte dont nous convenons tous qu'elle est nécessaire ? » De nombreux travailleurs prennent déjà des mesures importantes qui restent invisibles aux façons de savoir et de faire des gouvernements.
Le Rapport sur le changement climatique souligne qu'un changement fondamental est inévitable. La question est maintenant de savoir si nous réussirons à réorienter nos systèmes d'infrastructure, d'alimentation, d'énergie et de transport de manière à éviter des réponses imprévisibles et coûteuses. Avec un défi aussi sérieux, nous avons besoin d'une pluralité d'expertises, y compris celle de personnes chargées de littéralement construire notre avenir vert collectif.