Une décennie de science publique sans financement : se préparer à la prochaine crise
Auteur:
Éléonore McGrath
L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada
Agent de recherche
Alors que nous nous réveillons collectivement d'une autre élection fédérale et d'un autre gouvernement libéral minoritaire, de nombreux scientifiques et chercheurs poussent un soupir de soulagement : ils s'attendent à ne pas voir une autre série de coupes dévastatrices dans les dépenses scientifiques, semblables à celles subies sous les gouvernements conservateurs précédents. . Mais ce soulagement est-il trop hâtif ?
Les compressions qui ont eu lieu sous le premier ministre Harper ont été bien documentées et ont fait l'objet d'une large publicité. La campagne libérale de 2015, sous l'actuel premier ministre Trudeau, comprenait un accent incroyable sur le fait d'être basé sur la science. En effet, après leur élection en 2015, on a vu l'avènement d'un Ministre des Sciences (bien qu'absorbé en 2019 par le ministère de l'Innovation, de la Science et de l'Industrie), le redémarrage du Conseiller scientifique en chef, une annonce du démusage des scientifiques, des promesses renouvelées de « prise de décision fondée sur des données probantes » et des dépenses qui n'ont cessé d'augmenter. Les Canadiens et la fonction publique s'en portent mieux.
Et pourtant, pour l'exercice en cours, les dépenses fédérales pour la science et la technologie intra-muros - c'est-à-dire l'argent pour la recherche et le développement et les activités scientifiques connexes menées au sein de la fonction publique - ne devraient même pas atteindre les niveaux de 2010/2011 lorsqu'elles sont ajustées en fonction de l'inflation. . En fait, ce n'est même pas proche : les dépenses intra-muros en science et technologie accusent toujours un retard de près de trois quarts de milliard de dollars (740 millions de dollars pour être exact). Alors oui, il y a eu une période où des gains ont été réalisés progressivement à chaque cycle budgétaire. Mais, nous y sommes, six ans après que le vent était censé tourner et que la science de service public reste plus sous-financée qu'elle ne l'était il y a dix ans.
De toute évidence, le gouvernement a compris la valeur et la nécessité de la science de la fonction publique fédérale pendant la pandémie de COVID-19 ; en 2020-21, il y a eu une énorme augmentation anormale des dépenses scientifiques intra-muros. Apparemment cependant, la pandémie ne nous a pas suffisamment motivés pour réévaluer nos priorités et pérenniser le budget 2021/2022. Avec les élections décidées et le même gouvernement au pouvoir, nous nous attendons malheureusement à ce que la même trajectoire de dépenses pré-pandémique se poursuive.
La pandémie aurait dû prouver la nécessité inestimable d'une solide capacité scientifique et technologique dans la fonction publique fédérale. Ces scientifiques sont intervenus de bien des façons lorsque les Canadiens en avaient le plus besoin : ils ont compilé et analysé des données critiques; modélisation et projections fournies ; des vaccins sûrs et salvateurs examinés et approuvés ; déployé la logistique permettant aux personnes d'accéder aux avantages financiers en un temps record ; et bien d'autres contributions cruciales dans les coulisses. Imaginez à quoi aurait ressemblé la réponse du Canada à la pandémie si la capacité scientifique de la fonction publique était plus faible que ce que nous avons actuellement ? Le milieu universitaire et l'industrie ont énormément contribué, mais ils n'ont ni la portée ni le mandat de gérer des crises systémiques à l'échelle de la COVID-19, car les avantages d'une coordination centralisée ont été clairement mis en évidence. Le public canadien profite tout autant, sinon plus, lorsque la science et la recherche se font dans l'intérêt du bien public.
La pandémie n'est même pas terminée, mais nous devons commencer à réfléchir à ce qui pourrait arriver ensuite. Crises climatiques ? Une autre pandémie ? Il y a beaucoup d'inconnues. Il y a dix ans, la plupart d'entre nous n'aurions pas pu imaginer où nous en sommes aujourd'hui. Nous devrions apprendre de l'expérience. Ce que nous savons, c'est que l'une des clés d'un programme scientifique et technologique public réussi, agile et réactif est de le financer adéquatement lorsque les temps sont, relativement parlant, bons. Ainsi, lorsque nous nous trouverons dans la prochaine crise, nous pourrons bénéficier d'une réponse fondée sur des données probantes et opportune.
Nous devrions tous exiger au moins autant.