Une tempête parfaite : les arguments en faveur d'un cadre postdoctoral entrepreneurial au Canada

Auteurs):

Bart De Baere, PhD et Elicia Maine, PhD

Elicia Maine

Bart De Baere, PhD
Chercheur postdoctoral, chargé d'enseignement
Département des sciences de la Terre, des océans et de l'atmosphère
Université de la Colombie-Britannique, campus de Vancouver

Elicia Maine
Elicia Maine, Ph.D.
Professeur, Innovation & Entrepreneuriat
Chaire académique, Commercialisation des sciences et technologies
École de commerce Beedie, Université Simon Fraser

Le rapport Naylor récemment publié (2017) a révélé « des taux de réussite très faibles aux concours et un sentiment de futilité de la part des jeunes universitaires et chercheurs ». Appelée « une vallée de la mort entre les scientifiques en début de carrière et les chercheurs plus établis » (p. 97), cette attrition ne doit pas être ignorée, à la fois parce que nous perdons du PHQ au sud de la frontière et parce que nous en sous-utilisons beaucoup qui restent au Canada. Parallèlement, selon le rapport, les comités d'examen par les pairs « favorisent les propositions utilisant des techniques éprouvées, dans des domaines qui ont été productifs dans le passé » (p. 124). En d'autres termes, la recherche innovante à haut risque est intrinsèquement découragée. Qu'en est-il de nos scientifiques et ingénieurs en début de carrière les plus innovants et les plus entreprenants ? Le statu quo décourage la recherche novatrice qui a le potentiel d'introduire des technologies transformatrices.

Nos boursiers postdoctoraux (postdocs) les plus innovants sont les plus sensibles à la « vallée de la mort » et sont également les plus ouverts aux cheminements de carrière alternatifs. Le Sondage national postdoctoral canadien 2016 de CAPS a indiqué que 83 % des postdoctorants actuels sont intéressés par des possibilités de carrière non universitaires. Compte tenu de la récente augmentation spectaculaire du temps nécessaire pour accéder à un poste de professeur à forte intensité de recherche (p. ex. UBC PhD Career Outcomes, 2005-2013 Survey), l'entrepreneuriat intéresse de plus en plus les postdoctorants (CAPS 2016 Survey). Pourtant, le Canada accuse un retard par rapport aux autres pays de l'OCDE en matière d'entrepreneuriat scientifique. En fait, aucun cadre de formation postdoctorale dédié aux scientifiques-entrepreneurs n'est actuellement en place au Canada. Cette occasion manquée laisse la R&D entrepreneuriale dépendre du soutien du superviseur postdoctoral. Étant donné que ce type de recherche a un impact négatif sur les mesures traditionnelles des résultats de la recherche (la divulgation via une publication évaluée par des pairs peut avoir un impact négatif sur la protection de la propriété intellectuelle), le cadre existant n'est pas adapté.

Les entrepreneurs à vocation scientifique sont confrontés à la haute technologie et aux incertitudes du marché sur de longues périodes tout en nécessitant des investissements en capital substantiels (Maine et Seegopaul, 2016). Combinez ces défis avec les conclusions du rapport Naylor, notamment : (1) le déficit de financement de la « vallée de la mort » entre les scientifiques en début de carrière et les chercheurs plus établis ; (2) le manque de soutien pour la recherche à haut risque et à haut rendement et (3) le besoin urgent d'une stratégie pour encourager, faciliter, évaluer et soutenir la recherche innovante et multidisciplinaire - nous nous trouvons dans une tempête parfaite. Qu'il suffise de dire que les scientifiques-entrepreneurs en début de carrière basés au Canada sont probablement forcés d'abandonner complètement leurs idées – s'ils restent au Canada.

Comment pouvons-nous mieux utiliser nos postdoctorants au Canada et soutenir ceux qui souhaitent faire croître notre économie du savoir grâce à des retombées universitaires fondées sur les sciences? Eh bien, nous pourrions tirer des leçons de l'accélérateur innovant "hard-science" Cyclotron Road - une initiative conjointe du Lawrence Berkeley National Laboratory et du Département américain de l'énergie. Dans ce programme, des post-doctorants scientifiques-entrepreneurs soigneusement sélectionnés sont dotés des ressources nécessaires pour mettre une invention sur le marché. Le cadre consiste en : une bourse de deux ans permettant aux scientifiques-entrepreneurs de se concentrer à 100 % sur leurs projets ; l'accès à des installations de recherche et à une expertise de classe mondiale; formation, mentorat et réseautage. Dans ce cadre, les scientifiques-entrepreneurs sont idéalement positionnés pour identifier/pénétrer le marché. La première cohorte (2015 - 2017) composée de 9 scientifiques-entrepreneurs (dont beaucoup de doctorants et postdoctorants récemment diplômés) a déjà fondé 6 entreprises qui ont créé 30 emplois d'innovation manufacturière de haute technologie (Cyclotron Road 2016 Annual Report).

Quelles sont les prochaines étapes potentielles ? Au chapitre 7, le rapport Naylor recommande la création de 50 bourses postdoctorales supplémentaires. Nous suggérons d'attribuer au moins une partie de ces bourses à des scientifiques-entrepreneurs à fort potentiel dans les universités canadiennes. Dans le cadre d'un cadre plus large similaire à Cyclotron Road, ces bourses pourraient fournir le soutien salarial initial crucial nécessaire pour se concentrer sur l'évolution d'une invention vers la commercialisation. De plus, des partenariats avec des institutions de recherche nationales telles que le Conseil national de recherches pourraient donner accès à des installations de recherche et à une expertise de pointe. De plus, un programme de formation spécialisé doit être offert pour s'assurer que nos scientifiques-entrepreneurs possèdent les compétences nécessaires pour surmonter les défis uniques associés à l'innovation en sciences dures. Un tel programme a récemment été élaboré à la Beedie School of Business de l'Université Simon Fraser sous le nom de programme de certificat d'études supérieures « de l'invention à l'innovation ». Au cours d'un programme à temps partiel d'un an, les scientifiques-entrepreneurs reçoivent la théorie, les cadres, les compétences et le réseau nécessaires pour commercialiser leurs inventions.

Une opportunité claire existe pour répondre aux besoins de nos scientifiques-entrepreneurs en début de carrière dans le cadre du financement scientifique fédéral. Fournir à ce groupe de chercheurs actuellement mal desservis le financement et la formation nécessaires améliorera non seulement la rétention du PHQ (seulement 38 % des étudiants internationaux diplômés au doctorat sont employés au Canada selon le sondage UBC PhD Career Outcomes 2005 - 2013), cela aidera à créer des , opportunités de carrière basées sur le savoir. En parallèle, des savoir-faire et/ou services complémentaires nécessaires à la mise sur le marché d'un produit contribueront à la création de pôles de recherche innovants. Par conséquent, répondre aux besoins de nos scientifiques-entrepreneurs innovateurs en début de carrière contribuera à créer une économie fondée sur le savoir et un système national d'innovation florissants.

Références:

Comité consultatif pour l'examen du soutien fédéral à la science fondamentale, 2017. Investir dans l'avenir du Canada : Renforcer les fondements de la recherche canadienne, 243 p.

CAPS 2016 Sondage national postdoctoral canadien : http://www.caps-acsp.ca/wp-content/uploads/2016/11/2016_CAPS-ACSP-National_Postdoc_Survey_Report.pdf

Rapport annuel 2016 du chemin Cyclotron : http://www.cyclotronroad.org/journal/2017/3/16/2016-annual-report

Maine, E., Seegopaul, P., 2016. Accélération de la commercialisation des matériaux avancés. Matériaux naturels 15 : 487-491

UBC PhD Career Outcomes, enquête 2005-2013 : http://outcomes.grad.ubc.ca/docs/UBC_PhD_Career_Outcomes_April2017.pdf