Vers plus d’inclusivité dans la communication scientifique

Auteurs):

Jenny Kliever

Université Carleton

Doctorant

Portrait d'une femme blanche avec des lunettes et des cheveux mi-longs.
Clause de non-responsabilité : La version française de cet éditorial a été auto-traduite et n’a pas été approuvée par l’auteur.

La communication scientifique façonne la confiance du public dans la science, et la communication scientifique efficace constitue aujourd’hui l’un des problèmes les plus urgents auxquels est confrontée la communauté scientifique. Dans un contexte de changement climatique et de COVID-19 qui ravagent la planète, nombreux sont ceux au Canada et dans le monde qui continuent de se méfier des preuves scientifiques, de considérer les scientifiques comme des élitistes et de propager la désinformation plus rapidement qu’il n’est possible d’y remédier. Qu'y a-t-il à faire? 

Les scientifiques, les communicateurs scientifiques et les journalistes scientifiques se sont efforcés de présenter au public des informations claires et précises. Pourtant, comme le souligne la climatologue Katharine Hayhoe, les faits ne suffisent pas. Même le tweet le plus clair, le plus précis et le plus éloquent sur la vaccination contre le COVID-19 ne convaincra pas ceux qui ne sont pas convaincus. Cela n’impliquera pas quelqu’un dont la manière de connaître diffère de celle de la science occidentale. Cela ne rassurera pas ceux dont la vie a été affectée par la négligence médicale. Nous avons tous notre propre ensemble de contextes culturels, sociaux et personnels uniques, et ceux-ci influencent la façon dont nous arrivons, réfléchissons et agissons en fonction des avis scientifiques.

L’idée persistante d’un déficit de connaissances

La communication scientifique au Canada a parcouru un long chemin au cours des dernières décennies. Les institutions de recherche scientifique consacrent désormais des ressources importantes au partage de leurs travaux et à l’engagement du public. Les ateliers et les cours en communication scientifique sont courants dans les universités, les centres scientifiques et d’autres organisations à travers le pays. Des efforts sont déployés pour développer des activités spécifiquement destinées aux groupes sous-représentés dans les STEM. Certains d'entre eux, comme le programme WISEST (Women in Scholarship, Engineering, Science, and Technology) de l'Université de l'Alberta, permettent aux groupes sous-représentés et marginalisés de réussir dans les STEM. Celles-ci ont eu des conséquences mesurables et durables impacts.

La tendance à revenir à une pensée déficitaire persiste cependant. Dans la communication scientifique, un modèle déficitaire suppose un manque de connaissances scientifiques du public, qui doit être comblé. Cela suppose que les scientifiques disposent de connaissances essentielles dont le public a besoin pour prendre des décisions éclairées concernant sa vie. Cela place les scientifiques dans une position privilégiée. Cela implique qu’une transmission des connaissances est nécessaire du scientifique au citoyen. Le citoyen est désavantagé avant même le début de la communication. 

Il est vrai que certaines connaissances scientifiques sont importantes pour naviguer dans la vie. Mais le modèle déficitaire favorise la science occidentale et laisse peu de place à un dialogue constructif et empathique. Des moyens de communication plus inclusifs et authentiques sont nécessaires. Non pas dans le but d'accroître les connaissances scientifiques insaisissables, mais plutôt de comprendre les besoins et les convictions de chacun et de travailler ensemble pour résoudre des défis communs.

Lorsque des scientifiques rendirent visite à des éleveurs de moutons anglais après la catastrophe de Tchernobyl en 1986 pour leur prodiguer des conseils sur la gestion des risques, les connaissances locales n'a pas été pris en considération. Cela a entraîné des souffrances inutiles dans la communauté agricole et une méfiance à l’égard des scientifiques invités et de la science occidentale en général. Brian Wynne, spécialiste des études scientifiques, souligne que les agriculteurs locaux ont fait preuve d'une « réflexion informelle approfondie sur leurs relations sociales avec les experts scientifiques et sur le statut épistémologique de leurs propres connaissances « locales » par rapport aux connaissances « extérieures ». L’adoption par le public de la science pourrait être améliorée si les institutions scientifiques exprimaient un discours réflexif équivalent dans le domaine public. 

Se concentrer sur le contexte dans la communication scientifique

Beaucoup de choses ont changé depuis les années 1980. De nouveaux modèles de communication ont remis en question l’hypothèse du déficit. Les projets de science citoyenne dans les communautés canadiennes impliquent le public dans la collecte et l’analyse des données. Les activités de co-création entre chercheurs et partenaires des communautés autochtones s’attaquent à des défis communs. Mais des efforts supplémentaires sont nécessaires pour répondre aux hypothèses persistantes en matière de déficit. 

Depuis des années, des chercheurs, dont Wynne, réclament une plus grande attention au contexte dans la communication scientifique. Il est important que les scientifiques et les communicateurs scientifiques réfléchissent à leur propre compréhension de la science, de la communication et du public. Certains publics mal desservis ont-ils été laissés de côté parce qu’ils associent la science à des expériences négatives ? Comment le langage et le style de narration utilisés pour décrire la science favorisent-ils l’inclusion ou l’exclusion ? Les modes de connaissance dominants sont-ils reproduits dans la communication scientifique populaire au détriment des communautés marginalisées ?

Comme l'écrit le professeur Robin Wall Kimmerer, scientifique et membre de la Citizen Potawatomi Nation dans Tressage de l'herbe douce: sagesse autochtone, connaissances scientifiques et enseignements des plantes« C’est cette danse de pollinisation croisée qui peut produire une nouvelle espèce de savoir, une nouvelle façon d’être au monde. Après tout, il n'y a pas deux mondes, il n'y a qu'une seule bonne terre verte » (p. 47).