Une année de jachère pour la science au Canada
Auteur:
Dr Jim Woodgett
Institut de recherche Lunenfeld-Tanenbaum
Directeur de la recherche
Le budget fédéral de l'an dernier prévoyait un certain nombre d'augmentations importantes de dollars pour la recherche canadienne, mais, plus important encore, le langage derrière le financement a signalé aux chercheurs un changement d'attitude du gouvernement. En effet, les changements les plus importants coûtent peu - comme la création d'un conseiller scientifique en chef et le détachement des scientifiques employés par le gouvernement fédéral. La science, les données et les preuves étaient de retour, après presque une décennie de politique où la monétisation des produits de la science était beaucoup plus négligée que le soutien à la découverte scientifique. Le plus grand présage des nouvelles politiques favorables à la recherche a peut-être été le lancement de la Fundamental Science Review (www.sciencereview.ca) dirigée par David Naylor. En effet, cela arrivait à point nommé, car les programmes scientifiques fédéraux du Canada avaient proliféré au cours des 15 années précédentes, sans considération apparente de l'entreprise scientifique nationale dans son ensemble. Aux États-Unis, la science n'est soutenue par le gouvernement fédéral que par une poignée de grands organismes (NIH, NSA, EPA, NASA, etc.), mais les mécanismes de soutien scientifique du Canada se sont métastasés à partir des triconseils initiaux (CRSNG/IRSC/CRSH) pour former un ensemble de plus programmes ciblés relativement peu coordonnés (p. ex., plus récemment, CF-REF, CERC, Brain Canada, bourses d'études Vanier et bourses Banting). En effet, leur financement, en dollars constants, est au mieux stable (je suis généreux) depuis 2007. Pour ma part, j'espère que le rapport Naylor abordera cette boule de poils de soutiens fédéraux et proposera des recommandations pour la consolidation et une stratégie audacieuse et intégrative pour aller de l'avant.
Peut-être que l'anticipation de ce rapport explique pourquoi il n'y a aucune mention (ou seulement en passant) des triconseils, de Génome Canada, des chaires de recherche du Canada et de la FCI – les gros canons du soutien fédéral. Ces organismes appuient 90 % des chercheurs du secteur public non fédéral au Canada et, dans la majorité des cas, constituent leur seul mécanisme de financement de fonctionnement. Ce manque d'attention s'est accompagné d'un remarquable gel des financements. J'utilise le mot remarquable parce que même dans les périodes les plus difficiles depuis 2001, il y avait pratiquement toujours des suppléments pour ces agences. Il y a de l'argent pour divers programmes ayant des liens scientifiques directs ou indirects (ceux-ci sont détaillés dans un excellent blog de Rob Annan. Les «gagnants» du budget de cette année comprennent 6 millions de dollars pour prolonger la durée de vie du réseau de cellules souches d'un an, 35 $ millions de dollars pour le CIFAR sur 5 ans, 125 millions de dollars pour la recherche sur l'intelligence artificielle et près d'un milliard de dollars pour les « supergrappes d'innovation » qui auront une composante universitaire aux principaux organismes de financement). Dans l'ensemble, comparativement aux organismes scientifiques qui portent l'eau pour la grande majorité des chercheurs canadiens, il s'agit d'investissements secondaires. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de préoccupations importantes quant à l'efficacité opérationnelle des triconseils . J'en ai vivement critiqué l'un. Mais le simple fait est que leur modèle de financement persistant et leur taille globale signifient qu'ils sont les moteurs de facto de la science au Canada et ils devraient être le véhicule prédominant pour l'adjudication du financement scientifique fédéral. Notamment, ces agences ont des homologues dans le monde entier.
Pour moi, la surveillance ou le gel du triconseil implique une mauvaise communication et/ou une compréhension inquiétante. Ces agences sont spécifiquement structurées pour permettre une continuité prédictive. La science est une entreprise à long terme et de nombreux projets s'étendent sur plus d'un mandat gouvernemental. Pour les conseils subventionnaires, les quanta de financement aux chercheurs peuvent aller de 1 à 7 ans. En pratique, cela signifie qu'au cours d'un exercice donné, une agence ne dispose que d'environ 20 % des fonds de cette année pour s'engager dans de nouveaux projets. La majeure partie est consacrée à des subventions multiples préalablement approuvées. En maintenant le financement des triconseils aux niveaux de l'an dernier, le coup financier se concentrera sur ces 20 % et touchera une cohorte importante de chercheurs. Étant donné que l'inflation des coûts de la science se situe entre 3 et 5 %, cela représente en fait une réduction du même ordre de grandeur. En effet, les États-Unis sont très préoccupés par la réduction de 20 % proposée par les présidents au budget des NIH (la réduction en dollars équivaut à environ 10 fois le budget annuel des IRSC). Pourtant, au cours de la dernière décennie, les triconseils ont subi une coupe proportionnelle supérieure à cela. De plus, la restructuration des mécanismes qui offrent des programmes de soutien scientifique devrait être conçue de manière à ne pas avoir d'impact sur la recherche en cours. C'est précisément ce qui a mal tourné avec les réformes malheureuses des IRSC qui, comme l'a noté son président, ressemblaient à changer un moteur d'avion en vol. Encore une fois, POURQUOI QUELQU'UN TENTERA-T-IL CELA ?
Vous pourriez être tenté de dire : accrochez-vous à Debbie Downer Jim, ils se préparent juste à un gros réinvestissement dans la science l'année prochaine. Je l'espère bien. L'impact du BREXIT et les politiques anti-scientifiques de la nouvelle administration américaine offrent une occasion unique au Canada de briller. De jeunes esprits talentueux affluaient aux États-Unis (et au Royaume-Uni) pour se former et beaucoup sont restés pour former les fantastiques bases scientifiques et d'innovation de ces pays. Alors que des doutes planent sur le programme américain de visa H1B, les universités, collèges et instituts de recherche canadiens constatent déjà un intérêt accru de l'étranger. En effet, le ministre fédéral des Sciences, dans une entrevue avec le journaliste scientifique du Globe & Mail Ivan Semeniuk, a souligné cette opportunité de gain de cerveaux. Pourtant, sans fonds réels pour faire de la recherche, quel est l'intérêt de mettre en place un tapis « Bienvenue au Canada » ?
J'espère sincèrement que nous n'avons pas raté cette opportunité, mais les nouvelles vont vite. Il est maintenant temps d'être audacieux. Le gouvernement est fier de regarder vers l'avenir et de miser sur le développement de la ressource des jeunes cerveaux du Canada pour développer de nouvelles industries et améliorer la qualité de vie. Au lieu de retarder le rapport Naylor, sa publication aurait dû être accélérée. C'est un rapport, pas une écriture religieuse, et sera sûrement un travail en cours. La science évolue rapidement et présente un risque élevé/une récompense élevée. Surplacer l'eau, c'est perdre du terrain. Par conséquent, le budget 2017 a été une occasion manquée de présenter une feuille de route avec des détails à remplir, mais avec un engagement à exécuter. Au lieu de tracer le cadre d'une stratégie scientifique pour la prochaine décennie, ne serait-ce que par un billet à ordre, des milliers de chercheurs se demandent s'il y a un avenir pour eux.
Espérons que l'état financier de l'automne du gouvernement apportera des correctifs.