RENFORCER LA COLLABORATION SCIENTIFIQUE ENTRE L'EUROPE ET LE CANADA : LE POINT DE VUE D'UN CHERCHEUR

Publié le: Février 2017Catégories: Opinions en vedette 2016 : Réflexions, Éditoriaux

Auteur:

Catarina C. Ferreira et Martin Geiger

Ferreira et Geiger

Catherine Ferreira
Catarina C. Ferreira, Ph.D.
Marie Skłodowska-Curie Stagiaire postdoctorale, Département de biologie
Université Trent, Peterborough
http://www.catarinacferreira.com/
http://contrasstprojecteu.com/

Martin Geiger
Martin Geiger, Ph.D.
Professeure adjointe, ancienne boursière postdoctorale Banting du CRSH, Département de science politique
Université Carleton, Ottawa

En juin 2016, le Canada et l'UE ont célébré le 20e anniversaire de leur accord conjoint sur la science et la technologie et les 40 ans depuis l'ouverture de la représentation de l'UE à Ottawa. Une coopération de longue date matérialisée par des investissements bilatéraux dans la recherche et l'innovation visant à ce jour à renforcer les liens entre l'industrie et la recherche, à favoriser la connaissance pour stimuler l'éducation, la création d'emplois, la croissance économique et le bien-être sur les deux continents. Des progrès considérables ont été réalisés grâce à ce partenariat au fil des ans, notamment dans les domaines des sciences sociales, de la recherche en santé, de l'aéronautique et de la recherche agricole. Le nouvel arrangement administratif entre l'UE et le Canada renforcera probablement cette coopération dans d'autres domaines clés.

Malgré un succès incontestable, une nouvelle fenêtre d'opportunité se présente en ce moment pour renforcer les liens scientifiques à travers le nouvel accord de libre-échange UE-Canada CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement). L'AECG recèle le potentiel d'impacts économiques, environnementaux et sociaux durables tant au Canada que dans l'UE, notamment une meilleure collaboration dans la recherche grâce à la facilitation de la mobilité des universitaires et des innovateurs. En outre, le monde se trouve à un moment où certaines nations réduisent leur engagement à relever les défis mondiaux, notamment le changement climatique, la migration, le développement et la sécurité. Cela place une responsabilité accrue sur les pays qui partagent des cultures scientifiques similaires pour fournir des conseils pour relever ces défis. Aujourd'hui plus que jamais, le Canada et l'UE ont la possibilité d'intensifier et de renouveler leur rôle de chefs de file scientifiques, c'est pourquoi il est crucial de veiller à ce que ce partenariat devienne plus efficace.

En tant que chercheurs européens basés au Canada impliqués dans des projets financés par l'UE au cours des dernières années, nous avons été les premiers bénéficiaires et observateurs de cette entreprise scientifique commune. Cela nous a permis de détecter des inefficacités qui pourraient finalement compromettre la qualité des efforts de collaboration entre le Canada et l'UE. Nous soulignons ici certains de ces problèmes et proposons des moyens de les résoudre :

  1. Mobilité des chercheurs et le collaboration internationale sont des valeurs fondamentales de l'entreprise scientifique en Europe qui sont très imprégnées dans l'esprit des chercheurs européens, car elles sont des indicateurs de maturité scientifique. Par exemple, de nombreuses possibilités d'échange existent au niveau des étudiants (par exemple via le programme Erasmus) et au niveau des chercheurs entre les établissements universitaires, soutenus par des financements fournis par les gouvernements des États membres, les institutions de l'UE, ainsi que des entités privées non étatiques et autres fondations. Cette mobilité est une caractéristique extrêmement précieuse de la carrière de tout scientifique qui garantira que les professionnels peuvent fournir les contributions scientifiques les plus holistiques et les plus pertinentes avec une application mondiale. Cependant, alors que la mobilité des talents de la recherche commence à être encouragée à un jeune âge en Europe, notre expérience de vie et de travail au Canada nous a montré que les Canadiens sont beaucoup plus immobiles, car ces valeurs ne semblent pas être aussi inculquées ici qu'elles le sont en Europe. Cela pourrait être dû au fait qu'ils ne sont pas aussi récompensés dans le milieu universitaire canadien qu'en Europe, et/ou parce que le système de financement décentralisé au Canada (à l'exception d'organismes comme le CRSNG et le CRSH) dissuade les chercheurs canadiens de établir plus fréquemment des collaborations internationales. Cela pose un problème dans la mesure où les partenariats internationaux, du moins dans certains domaines de recherche, deviennent plutôt unilatéraux et dépendent de la propension des institutions académiques individuelles à rechercher des synergies dans la sphère internationale. Cependant, certaines initiatives entre l'Europe et le Canada favorisent la mobilité entre différents environnements scientifiques (comme les bourses canadiennes Banting, les actions européennes Marie Skłodowska-Curie et les subventions du Conseil européen de la recherche). La solution est de mieux promouvoir ces programmes de mobilité et de fournir le soutien nécessaire (infrastructures et ressources humaines) pour faciliter l'accès aux opportunités de financement. Un virage plus structurel est également nécessaire pour mieux aligner les critères d'évaluation des chercheurs entre le Canada et l'Europe, afin que la mobilité et les collaborations internationales aient le même effet de levier des deux côtés de l'Atlantique.
  2. L'un des principaux obstacles à une collaboration internationale efficace est la manque d'infrastructures et de ressources adéquates qui orientent la panoplie de programmes de financement actuellement disponibles pour les scientifiques au Canada et en Europe. Par exemple, malgré le soutien institutionnel inestimable fourni par le Projet ERA-Can+ partenaires, la majeure partie du soutien pratique au Canada n'est fournie que par une poignée de personnes disposant de budgets limités. Cela compromet l'organisation d'événements de plus grande envergure qui peuvent favoriser le réseautage, donner de la visibilité aux possibilités de financement disponibles et aider les chercheurs à naviguer à travers les exigences administratives. La plupart des universités canadiennes n'ont aucune ou peu d'expérience avec le paysage du financement européen, les projets de l'UE et la façon dont les chercheurs et les étudiants canadiens peuvent bénéficier et profiter de la collaboration avec l'Europe. De plus, les chercheurs basés au Canada qui participent à des projets de l'UE en tant que collaborateurs (par exemple dans des projets Horizon 2020) ne peuvent pas en bénéficier pleinement, car, d'une part, l'UE finance très rarement des collaborateurs basés au Canada dans ces projets, et, inversement, le Canada n'a pas de structures de cofinancement actuellement en place qui permettent à ces chercheurs d'agir en tant que partenaires égaux dans les projets de l'UE. Par conséquent, l'expansion à la fois de la EURAXESS Amérique du Nord réseau (déjà en place et financé par la Commission européenne) et le nombre de points de contact nationaux et régionaux pour les programmes individuels, en plus de faire des investissements sérieux pour créer des structures satellites au Canada qui peuvent fournir un soutien local aux collaborateurs potentiels dans les projets de l'UE, et la création des structures de cofinancement nécessaires qui peuvent soutenir l'inversion du capital du Canada dans les projets scientifiques internationaux sont essentielles pour atténuer ce problème.
  3. Un autre défi réside dans la façon de tourner différences de philosophies, d'échelles et de priorités de recherche entre les deux continents en forces et en catalyseurs de changement positif plutôt qu'en facteurs de conflit. Par exemple, les énergies renouvelables et propres sont à différents stades de développement au Canada et en Europe, ce qui signifie qu'il existe différents niveaux de sensibilisation du public et de discussion sur ces questions. À l'inverse, la surveillance à long terme des espèces est beaucoup plus répandue au Canada que dans la majeure partie de l'Europe et cela a évidemment des implications en termes de transférabilité des solutions pour faire face aux menaces à la biodiversité d'un continent à l'autre. La clé est de ne pas laisser ces différences nous empêcher de nous concentrer sur les similitudes et les intérêts communs. Par exemple, il existe plusieurs mécanismes de financement favorisant les partenariats ascendants entre les institutions canadiennes et européennes (privées, à but non lucratif et publiques) pour tenter de trouver en collaboration des solutions innovantes à des problèmes de longue durée.

Il y a plusieurs avantages à renforcer les liens scientifiques entre le Canada et l'Europe, le principal étant peut-être d'accélérer la recherche de solutions aux problèmes mondiaux grâce à un dialogue critique entre deux puissances économiques qui partagent des valeurs scientifiques similaires et la même volonté de relever les défis par la science et technologie. Ces dialogues sont particulièrement importants pour promouvoir non seulement l'échange d'idées et de philosophies, mais aussi des données empiriques et des outils de modélisation qui nous permettront de renverser les crises environnementales et humanitaires actuelles. Il existe déjà d'excellentes réflexions sur cette collaboration à l'échelle mondiale, comme les alliances de recherche transatlantiques pour la recherche marine et arctique, mais nous devons nous assurer de multiplier rapidement ces initiatives dans d'autres domaines.