Un agent scientifique en chef pour le Canada?

Auteurs):

Ron Freeman

PDG, Recherche Infosource inc.

Ron Freeman

La (re-)nomination d'un agent scientifique en chef pour le Canada remonterait sans aucun doute le moral de nombreux membres de la communauté scientifique et technologique du Canada, du moins temporairement. Mais avant d'augmenter la dette nationale de quelques millions de dollars par an pour financer l'initiative, il vaut la peine de poser quelques questions difficiles sur la position d'une OSC. En particulier : Que ferait une OSC qu'un ministre des Sciences ne pourrait pas faire ? Pour qui une OSC travaille-t-elle (et relève-t-elle) ? Ce sont des questions importantes auxquelles il faut répondre avant que le Canada ne nomme un OSC.

Mais d'abord, pourquoi de nombreux membres de la communauté S&T veulent-ils un directeur scientifique ? Pour les mêmes raisons que les producteurs d'œufs aimeraient voir un Chief Egg Officer (CEO) fédéral, ou que les nettoyeurs à sec se réjouiraient d'un Chief Dry Cleaning Officer (CDCO) ou que les fabricants de crème glacée seraient ravis de la nomination d'un Chief Ice Cream Officer. (CICO); la communauté scientifique et technologique veut un agent scientifique en chef – soyons honnêtes ici – pour augmenter les dépenses du gouvernement fédéral dans le domaine scientifique.

En revanche, presque personne ne soutiendrait la création d'un poste d'OSC si l'objectif déclaré était de réduire le niveau ou d'augmenter l'efficience ou l'efficacité des dépenses scientifiques de quelque manière que ce soit ou pour quelque raison que ce soit dans un ministère, une agence ou une organisation externe. Ainsi, l'objectif principal d'une OSC (s'il n'est pas reconnu) est d'augmenter les dépenses scientifiques, point final. Oui, inévitablement d'autres objectifs seraient proclamés, comme « améliorer la coordination », « faciliter l'interaction », « contribuer à l'élaboration des politiques », etc. etc.

Pendant des décennies, le Canada a eu un ministre des sciences dont le travail, vraisemblablement, consiste à : (1) représenter les intérêts de la science canadienne – universitaire, industrielle et sans but lucratif – au sein du gouvernement; (2) gérer (ou au moins coordonner) les affaires scientifiques interministérielles, intergouvernementales et internationales; et (3) expliquer les décisions scientifiques du gouvernement à des publics externes. Bien que le poste actuel de ministre des Sciences soit, sauf en apparence, un poste subalterne au Cabinet, le ministre des Sciences a néanmoins la capacité de contribuer aux ordres du jour du Cabinet et d'influencer les ministres du Cabinet et la législation/réglementation fédérale, d'une manière qu'aucune OSC ne pourrait le faire. (Et n'oubliez pas qu'en plus du ministre des sciences, de nombreux autres ministres du cabinet font pression pour augmenter leurs propres budgets scientifiques.) Certains ministres des sciences ont bien performé dans ce rôle et d'autres moins bien. Compte tenu de la trajectoire positive des dépenses scientifiques fédérales sous deux gouvernements très différents au cours des 15 dernières années, on pourrait dire que les ministres des sciences ont plutôt bien réussi dans l'ensemble. Donc, de ce point de vue, le Canada a déjà un conseiller scientifique en chef, le ministre des Sciences.

Presque toutes les dépenses du gouvernement fédéral en S et T relèvent de la compétence des ministres responsables de l'agriculture, de l'environnement, de la santé, de l'industrie, de la défense nationale, des ressources naturelles, des transports, etc. Il est peu probable que cela change de sitôt. Il y a peu ou pas de perspective d'un budget scientifique fédéral de base qui serait alloué de manière centralisée à des ministères individuels par une OSC (ou qui que ce soit d'autre). Cette idée empiéterait soit sur de trop nombreuses exigences législatives et réglementaires, soit sur des intérêts politiques et administratifs. En tout état de cause, un budget scientifique central nécessiterait l'établissement de priorités scientifiques par le gouvernement central, ce qui est pratiquement impossible (sauf peut-être dans une économie planifiée de type soviétique). Ainsi, nous pouvons exclure toute influence directe d'une OSC sur les dépenses scientifiques, bien qu'une OSC puisse avoir des moyens indirects d'influencer les décisions financières - par exemple en publiant un rapport intitulé "Les dépenses du Canada pour (votre problème de S&T pour animaux de compagnie va ici) jugé terriblement inadéquat ”. Il est donc difficile de voir comment une OSC réaliserait mieux les ambitions de la communauté S&T de dépenser plus qu'un ministre des sciences.

À qui un directeur scientifique relèverait-il ? Il existe deux options principales : directement au parlement ou indirectement au parlement par l'intermédiaire d'un ministre du Cabinet ou d'un ministre d'État. Dans le premier exemple, si l'OSC relevait directement du parlement (comme le fait le directeur parlementaire du budget, par exemple), alors l'OSC serait indépendante du gouvernement en place et libre d'évaluer et de commenter les politiques, les programmes, les dépenses, etc. (Ignorer, pour le moment, que le Vérificateur général a déjà ces pouvoirs et a par le passé critiqué utilement les dépenses gouvernementales en S&T.) Dans ce cas, l'OSC deviendrait immédiatement un adversaire du gouvernement, car il/elle trouverait cela nécessaire souligner les échecs de la politique gouvernementale en matière de S&T, plutôt que d'en vanter les succès. Cela ne ferait pas aimer l'OSC à un gouvernement en place parce qu'aucun gouvernement ne veut qu'un tiers - en particulier un avec un statut officiel - critique ses décisions ou ses actions.

Alternativement, une OSC pourrait rendre compte au parlement par l'intermédiaire d'un ministre du cabinet - vraisemblablement le ministre des sciences - mais perdrait alors son indépendance, car le ministre ou le département en question filtrerait ou modérerait les idées négatives émanant d'une OSC avant qu'elles ne soient publiées. au public. Une OSC gouvernementale interne remplacerait également certains organes consultatifs existants, ce qui pourrait être une bonne chose ou non, mais serait probablement combattu par ces organes et leurs parties prenantes. En outre, au sein du gouvernement, une OSC serait inévitablement associée aux intérêts du ministre/département parrain et non d'autres ministres/départements, ce qui obvierait à l'intérêt d'une OSC avec une surveillance à l'échelle du gouvernement.

Alors, est-ce que l'une de ces considérations affectera la décision du gouvernement de nommer un conseiller scientifique en chef? Ne pariez pas dessus.

 

ron@researchinfosource.com