Comment la légalisation du cannabis au Québec ne sert pas ses citoyens

Publié le: août 2018Catégories: Loi sur le cannabis (C-45), Éditoriaux

Auteurs):

Kira London-Nadeau

Institut national pour la santé et l'éducation au cannabis

Représentant régional, Centre du Canada

Kira Londres

Début juin 2018, le projet de loi 157 – le document de réglementation provincial du Québec pour la légalisation du cannabis à des fins non médicales – a été voté par l'Assemblée nationale. Le projet de loi détaille tous les aspects que son homologue fédéral, le projet de loi C-45, laissait aux provinces le soin de décider : distribution, vente au détail, âge minimum d'achat, espaces de consommation et bien d'autres pièces du casse-tête complexe de la légalisation. Dès le début des délibérations sur le projet de loi, le gouvernement provincial libéral a clairement indiqué que ces règlements seraient conçus pour promouvoir la santé des Québécois et non la génération de revenus. Cependant, certaines décisions réglementaires risquent de nuire aux citoyens de la province plutôt que de les servir.

Pour commencer, la question très médiatisée et controversée de la culture du cannabis à la maison a abouti à l'interdiction de la pratique par le gouvernement provincial, bien que la loi fédérale autorise la culture de jusqu'à quatre plantes. Cette décision a été prise principalement par crainte d'un détournement de produit et d'un accès facilité au cannabis pour les mineurs, et parce que contrôler le nombre exact de plantes dans un ménage serait un véritable cauchemar.

Bien qu'il s'agisse de considérations importantes, bien que l'on puisse se demander dans quelle mesure elles posent de réels problèmes, l'interdiction du cannabis cultivé à domicile ne protège pas les citoyens de plusieurs manières. Cultiver du cannabis à la maison est une option beaucoup moins chère que de l'acheter chez un détaillant, même avec des prix aussi bas que 6 $ / gramme, comme c'est le but du Société québécoise du cannabis (SQDC), qui aura le monopole de la distribution et de la vente du cannabis. Pour les Québécois à faible revenu, cela peut être une puissante incitation soit à enfreindre la loi en participant à la culture à domicile, soit à rechercher des options sur le marché illicite. Plus qu'un simple problème financier, la culture du cannabis à la maison a été signalée comme une activité épanouissante qui procure aux producteurs à la fois un sentiment de fierté et de contrôle sur leur approvisionnement en cannabis. Dans l'ensemble, cela signifie que l'interdiction de la culture à domicile va à l'encontre des besoins financiers et de bien-être, en particulier pour les citoyens à faible revenu.

Même au sein de l'infrastructure établie de la SQDC, les résidents ne sont pas prioritaires. À 14 $/heure, les employés seront payés 70 % de ce que gagnent les travailleurs à l'heure Société des alcools du Québec (SAQ), dont la SQDC est une filiale. En d'autres termes, l'emploi fourni par la légalisation non médicale du cannabis au Québec aux résidents de la province est lamentable par rapport à ce qui est actuellement offert pour la vente d'alcool. De plus, la SQDC ne permettra pas aux personnes ayant un casier judiciaire (dont un pour possession de cannabis) de travailler dans ses magasins. Ainsi, ceux qui ont souffert injustement de la prohibition du cannabis n'auront pas la possibilité de s'engager sur le marché légal.

La qualité de l'emploi n'est pas le seul front sur lequel le Québec soutient davantage l'industrie de l'alcool que l'espace émergent du cannabis. La SQDC prévoit réglementer ses points de vente beaucoup plus strictement que ceux de la SAQ. Contrairement à la SAQ, la SQDC n'accueillera pas les clients mineurs et ne permettra pas à ses clients de manipuler eux-mêmes les produits. Le personnel de la SQDC sera formé aux recommandations de sécurité pour la consommation de cannabis, mais ne sera pas chargé de fournir des informations orientées vers la vente, telles que des recommandations sur les souches. Le résultat de cette réglementation est simple : l'achat d'alcool sera plus agréable et moins stigmatisant que l'achat de cannabis, et les parents pourront amener leurs enfants chez le premier mais pas chez le second. Cet environnement de vente au détail envoie à lui seul le message que le cannabis est plus dangereux que l'alcool, alors que les recherches empiriques suggèrent le contraire. Ces types de préjugés socioculturels peuvent amener les consommateurs à choisir une drogue plus dangereuse et nocive plutôt qu'une drogue plus sûre, mais plus réglementée.

Malgré ces limites, le Québec a néanmoins pris certaines décisions réglementaires plus audacieuses que la majorité des autres provinces, comme celle de permettre la consommation publique de cannabis. Cela permet aux utilisateurs, notamment ceux qui ne pourraient pas consommer chez eux, de consommer en toute sécurité et sans cacher leur consommation.

Malgré tout, les enjeux mentionnés ci-dessus sont des considérations majeures qui empêchent la légalisation non médicale du cannabis au Québec de profiter pleinement aux résidents. Cette province a fait de la protection de ses résidents son objectif principal pour la légalisation du cannabis non médical. Cependant, une approche qui supprime les options financièrement avantageuses pour les consommateurs, crée des emplois relativement peu rémunérés malgré leur statut d'emploi gouvernemental, ne crée pas d'opportunités pour les personnes précédemment criminalisées pour possession de cannabis et pose le cannabis comme plus dangereux que l'alcool à travers une multitude de les décisions réglementaires concernant la vente au détail de cannabis sont bien en deçà de cet objectif.