L’Université d’été de la Francophonie : un dispositif mondial de l’AUF pour soutenir la recherche et la publication en langue française

Published On: March 2025Categories: Editorials, French Editorial Series Vol. 1

Author(s):

Karl Akiki

AKIKI Karl_Photo – AIFS

Toutes les références auxquelles fait appel ce texte renvoient au 5ème Rapport du Comité permanent de la science et de la recherche – UN NOUVEL ÉLAN À LA RECHERCHE ET LA PUBLICATION SCIENTIFIQUE EN FRANÇAIS AU CANADA

En 2024, l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) a lancé un projet d’une envergure internationale afin de développer un vivier mondial de jeunes chercheurs publiant en langue française : l’Université d’été de la Francophonie (UDEF). Dans un contexte scientifique mondial où l’anglais s’impose (« la proportion d’articles savants publiés en anglais est passée de 64% en 1995 à plus de 90% en 2019» – p.10), l’UDEF a permis de mobiliser plus de 500 doctorant.e.s et expert.e.s dans une dynamique francophone axée sur la rédaction, la gouvernance et la valorisation de la recherche. Pilotée par l’Académie Internationale de la Francophonie Scientifique, en collaboration avec les dix directions régionales de l’AUF, l’UDEF a bénéficié, entre autres, du soutien du Canada vu que ce projet répondait, au niveau de l’ensemble de l’espace francophone, à plusieurs recommandations pancanadiennes du 5ème Rapport du Comité permanent de la science et de la recherche. 

Le Projet UDEF : un mécanisme à deux étapes pour soutenir la recherche francophone

La première étape de l’UDEF s’est traduite par l’organisation d’ateliers méthodologiques dans plus de 40 pays de la francophonie (avril-juillet). Les doctorant.e.s (sélectionné.e.s sur 3 000 candidatures) ont été formé.e.s à la recherche, à la rédaction, à la publication et à la diffusion de leurs travaux en français. Trois cents ont soumis un article qui a été révisé en double aveugle. Vingt-cinq ont été retenu.e.s pour la phase 2. En parallèle, 9 panels régionaux sur la gouvernance et la structuration de la recherche ont réuni plus de 100 hauts responsables (vice-recteurs, directeurs généraux) pour aborder des enjeux stratégiques à l’instar de l’évaluation et de la valorisation de la recherche.

Il est important de noter que nombre de doctorant.e.s travaillent sur des sujets touchant leurs réalités locales, qu’il s’agisse de la bactériologie en Afrique, des inégalités de genre en Côte d’Ivoire, des liens entre architecture et environnement au Maroc, de la situation des professeurs en début de carrière au Québec ou de la littérature en Roumanie. L’UDEF a garanti ainsi une grande diversité thématique et l’émergence de savoirs contextuels. Elle a permis également d’insister sur l’importance du plurilinguisme s’affirmant contre «la domination de l’anglais [qui] peut conduire à délaisser certains sujets de recherche plus locaux» (p.2). 

La seconde étape de l’UDEF s’est tenue à Rabat (octobre). Elle a regroupé les 25 lauréat.e.s qui ont bénéficié, au préalable, d’un mentorat personnalisé pour réécrire leurs articles. Des ateliers plus avancés leur ont été proposés pendant une semaine (révision, médiation et médiatisation, stratégies de publication et de diffusion…). Ce moment a été l’occasion d’insister sur l’importance de la vulgarisation qui constitue « l’un des vecteurs les plus puissants de francisation de la science» (p.58). Les représentant.e.s des 9 panels régionaux se sont également retrouvé.e.s pendant cette deuxième phase. Leur atelier leur a permis d’intégrer une réflexion (partagée avec les doctorant.e.s et les expert.e.s de l’écosystème de la publication) sur l’évaluation de la recherche, en écho à la remarque de la Conseillère scientifique en chef : «[L]e système d’évaluation des chercheurs comporte plusieurs critères liés à la diffusion de leurs résultats […]. Comme les revues scientifiques d’envergure sont presque toutes publiées en anglais, il y a peu d’incitatifs pour présenter ses travaux dans une autre langue » (p.26).

Le Canada et la stratégie de l’UDEF

Le Canada a participé à l’UDEF à travers deux partenariats. D’une part, le soutien octroyé par le FRQ a permis la réalisation de plusieurs volets majeurs, mettant en valeur l’expertise québécoise et l’engagement pour la francophonie scientifique. Cela s’est traduit par :

  • la production de capsules vidéo sur l’utilisation de l’intelligence artificielle (par l’UdeM) destinées à l’ensemble des 500 participant.e.s ; 
  • l’appui à un atelier de formation en publication scientifique (destiné aux doctorant.e.s du Québec auxquels se sont joints leurs collègues du Brésil, de manière hybride) ; 
  • la participation des deux lauréates québécoises à la phase 2. 

D’autre part, le soutien d’Affaires Mondiales Canada (AMC) a permis de financer le volet «Gouvernance et structuration de la recherche ». Cette composante vise à partager les meilleures pratiques en matière de pilotage stratégique, de financement et d’évaluation. Au-delà de l’aspect financier, l’engagement de l’AMC traduit aussi une volonté d’affirmation diplomatique : positionner le Canada comme un acteur majeur de la Francophonie scientifique, soucieux de préserver et de promouvoir la diversité linguistique dans la production du savoir.

Renforcer la politique canadienne de recherche hors Canada : les apports de l’UDEF

L’UDEF illustre à quel point la science peut servir de pont diplomatique entre les pays francophones. La participation canadienne a offert une visibilité internationale aux organismes de recherche du Canada et a mis en avant leur expertise en matière d’évaluation, de méthodologie et de coopération interuniversitaire. En plus de solidifier l’excellence scientifique dans l’espace francophone, l’UDEF a agi comme incubateur de collaborations futures. 

En favorisant des formats clairs et accessibles, l’UDEF témoigne d’une volonté de rapprocher la recherche et la société, contribuant ainsi, à l’essor d’une diplomatie scientifique inclusive. Pour le Canada, c’est l’occasion de renforcer sa présence dans les réseaux universitaires internationaux et de consolider son rôle de passeur d’innovations. Les initiatives lancées dans le cadre de l’UDEF posent les jalons d’une francophonie scientifique forte, apte à aborder des sujets allant des enjeux locaux aux défis globaux.

Portée par l’AUF et soutenue par divers bailleurs et partenaires francophones, dont le Canada, l’UDEF offre un modèle de collaboration fructueux qui conjugue excellence académique et diversité linguistique. Pour que cet élan se maintienne, il importe de poursuivre les échanges, d’intensifier les coopérations et de pérenniser les soutiens. Avec une deuxième édition annoncée pour 2025, la Francophonie scientifique dispose là d’un véritable tremplin pour renforcer sa visibilité sur la scène mondiale.